Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’excès de votre douleur ? On se rirait d’un païen qui s’affligerait dans ces rencontres ; mais qui pourrait excuser ces larmes dans un chrétien ? Comment pourrait-on lui pardonner cette faiblesse après que la résurrection a été établie par tant de preuves si constantes, et par le consentement de tant de siècles ?
Cependant il semble que vous preniez plaisir à augmenter cette faute. Vous nous faites venir des pleureuses vous nous amenez des femmes païennes pour augmenter le deuil, pour attiser la flamme de la douleur. Vous n’écoutez point saint Paul qui vous dit : « Quel rapport y a-t-il entre Jésus-Christ et Bélial ; ou qu’a de commun un fidèle avec un infidèle ? » (2Cor. 5,15) Les païens qui n’ont aucune foi ni aucune espérance de la résurrection, ne laissent pas de trouver des raisons pour consoler, leurs amis dans ces accidents. Soyez fermes, leur disent-ils, dans votre malheur. Il faut supporter doucement ce qui arrive nécessairement. Ce qui est fait est fait. Vos larmes ne le changeront pas, et elles ne rendront pas la vie à celui que vous pleurez. Et vous, chrétien, vous qui avez des connaissances plus pures et plus hautes que les infidèles, vous ne rougissez pas d’être plus lâche qu’eux dans ces rencontres ?
Nous ne vous disons point, comme eux : Supportez ce mal constamment puisqu’il est inévitable et que toutes vos larmes y sont inutiles. Nous vous disons au contraire : prenez courage, votre, fille ressuscitera. Elle n’est pas morte, elle n’est qu’endormie, elle repose en paix, et elle passera de ce sommeil-tranquille dans une vie immortelle, dans une paix angélique et dans un bonheur qui ne finira jamais. N’entendez-vous pas le Prophète qui vous dit : « Mon âme, rentrez dans votre repos, parce que le Seigneur vous a fait grâce ? » (Ps. 114,9) Dieu appelle la mort une grâce et vous pleurez ? Que pourriez-vous faire de plus si vous étiez l’ennemi mortel de celui qui meurt ?
Si quelqu’un doit pleurer alors, c’est le démon qui le doit faire. Oui, qu’il pleure, qu’il s’afflige : qu’il se déchire, et se désespère, de ce que notre mort maintenant n’est plus qu’un passage à une vie immortelle. Cette tristesse est digue de sa malice, mais elle est indigne de vous qui êtes appelé au repos, qui allez recevoir la couronne, et dont la mort est un port tranquille après la tempête.
Voyez de combien de maux cette vie est pleine, souvenez-vous combien de fois vous l’avez eue en horreur, combien d’imprécations vous avez faites en voyant les maux qui l’assiègent sans cesse, et qui se succèdent les uns aux autres. Considérez que dès le commencement du monde Dieu nous a condamnés à souffrir. Il dit à la femme : « Vous enfanterez avec douleur. » (Gen. 3,16) Il dit à l’homme : « Vous mangerez votre pain à la sueur de votre visage. » (Id) Et Jésus-Christ dit à ses apôtres : « Vous aurez de grandes afflictions dans le monde. » (Jn. 16,53) On ne nous prédit rien de semblable pour l’autre vie. On nous assure au contraire que « la douleur, la tristesse et les gémissements en seront éternellement bannis (Is. 33) ; et qu’il viendra des personnes de l’Orient et de l’Occident pour se reposer dans le sein d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (Mc. 8 ; Ez. 40) ; » que l’époux vous recevra dans sa chambre nuptiale, au milieu des lampes ardentes, et que votre vie sera changée en une vie toute céleste.
4. Pourquoi donc déshonorez-vous la mort de votre ami par vos larmes ? Pourquoi en pleurant ainsi la mort apprenez-vous aux autres à craindre la mort ? Pourquoi donnez-vous sujet aux faibles d’accuser Dieu même, de ce qu’il nous a exposés à tant de malheurs ? Mais je vous demande, au contraire, pourquoi, après la mort de vos proches, vous assemblez les pauvres ? Pourquoi vous appelez les prêtres, afin qu’ils offrent pour ceux que vous pleurez leurs prières et, leurs sacrifices ? Vous en répondrez que c’est afin, que celui qui est mort entre bientôt dans le repos éternel, et que son Juge lui soit, favorable. Et cependant vous ne cessez point de crier, et de répandre des larmes. Ne vous combattez-vous pas vous-même ? Vous croyez que votre ami est dans le port, et pour cela, vous vous jetez vous-même dans le trouble et dans la tempête ?
Mais que ferai-je ? me direz-vous. C’est la faiblesse de la nature qui fait cela. Et moi je vous dis : N’accusez point la nature, accusez-vous vous-même et votre propre mollesse, qui, vous fait dégénérer de cette haute dignité que la foi vous avait donnée, et qui vous rend pires que les infidèles. Comment après cela oserons nous parler aux païens de l’immortalité de l’âme ? Comment leur persuaderons-nous que nous ressusciterons un jour, puisque nous craignons la mort plus qu’ils ne la