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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/267

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craignent eux-mêmes ? On a vu des infidèles autrefois, qui sans rien connaître de ce que la foi nous apprend, n’ont pas laissé de se couronner de fleurs et de prendre leurs plus beaux habits à la mort de leurs enfants pour se faire estimer des hommes, et pour s’acquérir un faux honneur ; et après cela, cette gloire incompréhensible que nous attendons dans le ciel, n’aura pas assez de force sur nos esprits pour bannir de nous, à la mort de nos proches, cette tristesse lâche et efféminée, et cette mollesse si indigne d’un chrétien ?
Mais je perds mon héritier, me direz-vous ; je n’ai plus personne à qui je laisse tous mes biens. Aimez-vous donc mieux que votre fils hérite d’un peu de bien sur la terre que de tous les biens qui sont dans le ciel ? Aimez-vous mieux qu’il jouisse de ces richesses qu’il devait quitter si tôt, que de celles qui ne périront jamais ? Mon fils, dites-vous, ne sera point mon héritier. Il est vrai, il ne sera point l’héritier de son père, mais il le sera de Dieu. Il ne sera point le cohéritier de ses frères ; mais il le sera de Jésus-Christ.
Mais dans quelles mains donc, me direz-vous, passeront ces meubles si riches, ces habits si précieux, ces maisons si magnifiques, ce grand nombre d’esclaves, et ces terres si vastes et si étendues que nous possédons ? Elles passeront si vous voulez entre les mains de votre fils, et avec plus d’assurance que s’il était encore en vie. Si les barbares ont brûlé autrefois avec les morts ce qu’ils avaient de plus précieux ; combien est-il plus digne d’un chrétien de sacrifier avec son fils tout ce qui lui appartenait, non pour le réduire en cendres comme les barbares, mais pour augmenter le bonheur et la gloire de ce mort qui leur est si cher ? Si ce fils avait des péchés en mourant, ces biens que vous donnez pour lui en effaceront les taches. S’il était juste et innocent, ils augmenteront sa récompense.
Mais vous désireriez bien de le voir. Hâtez-vous donc de sortir de ce monde et de vivre comme il a vécu, afin que vous le voyiez bientôt. Si vous n’écoutez pas mes raisons pour vous consoler, considérez que tôt ou tard, le temps même vous consolera et qu’il fera cesser votre douleur. Mais cette paix où vous vous trouverez alors ne sera point récompensée, parce qu’elle ne sera qu’un effet du temps et non point l’ouvrage de votre vertu. Que si vous voulez entrer dès maintenant dans les sentiments de la, sagesse chrétienne, vous en tirerez deux grands avantages : l’un, que vous vous délivrerez de beaucoup de maux, et l’autre, que vous vous procurez auprès de Dieu une très glorieuse couronne. Car l’aumône et les bonnes œuvres ne sont point d’un si grand mérite devant Dieu que cette modération et cette paix que nous conservons dans nos plus grands maux.
Considérez que le Fils de Dieu a bien voulu mourir lui-même. Il est mort, mais pour vous ; et vous, vous mourez pour vous-même. Il est mort après avoir dit : « Mon Père, si cela est possible, que ce calice s’éloigne de moi. » (Mt. 26) II est mort après avoir été dans la frayeur et dans l’agonie, et après avoir ressenti une profonde tristesse. Mais cependant il a accepté la mort et s’est soumis à toutes les circonstances cruelles et honteuses qui l’accompagnaient. Il a souffert avant la mort les fouets, et avant les fouets, les railleries, les outrages et les insultes, pour vous apprendre à souffrir avec une fermeté inébranlable. Il est mort enfin, et son âme a été séparée de son corps, mais il l’a repris aussitôt, et l’a rempli de sa gloire, afin que sa résurrection vous fût un gage et une assurance de la vôtre. Si donc notre croyance n’est point une fable, ne vous affligez point de la mort des hommes. Si elle est véritable, ne pleurez point. Que si vous pleurez, comment pourrez-vous en persuader la vérité aux infidèles ?
5. Mais peut-être que tout ce que nous vous représentons n’empêche pas que cette mort ne voua paraisse insupportable. C’est donc pour cela même que vous devez cesser de pleurer, puisque la mort de celui que vous regrettez l’a délivré de tant de maux. Ne lui portez donc point envie, et ne soyez point fâché de son bonheur. Car lorsque vous souhaitez vous-même de mourir parce qu’un des vôtres est mort un peu trop tôt et que vous vous affligez de ce qu’il ne jouit plus d’une vie qui l’aurait exposé à tant de misères, il semble que vous agissez plus par un mouvement d’envie que par une amitié véritable. Ne considérez donc pas que vous ne reverrez plus votre fils mort, mais pensez que vous l’irez retrouver bientôt. Ne regardez point qu’il n’est plus en ce monde, mais que ce monde un jour ne sera plus, que tout y changera de forme, que le ciel, la terre et la nier passeront, et qu’alors vous recevrez votre fils dans une gloire infinie.