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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/281

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il va encore plus loin, et pour leur montrer son ineffable puissance, il dit : allez ainsi et néanmoins montrez-vous doux comme des brebis, et cela lorsque c’est contre des loups que je vous envoie, et non seulement contre des loups mais au milieu des loups. Outre la douceur des agneaux, il leur commande encore d’avoir la simplicité de la colombe. C’est ainsi, leur dit-il, que je signalerai ma toute-puissance, lorsque les agneaux se trouvant au milieu des loups, et étant déchirés par leurs morsures cruelles, non seulement les agneaux ne céderont pas aux loups, mais qu’ils changeront même les loups en agneaux. Il est sans doute bien plus admirable de transformer son ennemi en un autre homme que de le vaincre ; et de lui changer l’esprit et le cœur, que de lui ôter la vie. Mais ce qui est encore plus étrange, c’est qu’il n’envoie que douze agneaux pour s’assujettir toute la terre qui était pleine de loups.
Rougissons donc, nous autres, qui faisons maintenant tout le contraire de ce que Jésus-Christ ordonne aux apôtres, et qui combattons nos ennemis non comme des agneaux, mais comme des loups. Tant que nous demeurerons agneaux, nous serons vainqueurs ; mais si nous devenons des loups, nous serons vaincus, parce que nous serons abandonnés de ce pasteur souverain qui paît des agneaux et non pas des loups. Il se retire de vous alors, et il vous abandonne ; parce que vous l’empêchez de faire éclater en vous sa toute-puissance. Car lorsqu’en souffrant beaucoup de vos ennemis vous ne témoignez contre eux aucune aigreur, à lui est attribué tout l’honneur de la victoire. Mais si vous vous élevez contre eux, et si vous les attaquez, vous obscurcissez l’éclat de son triomphe.
Mais je vous prie de considérer ici quels sont ceux à qui Jésus-Christ prédit des choses si capables de les remplir de frayeur. Ce sont des hommes timides, ignorants, grossiers, sans lettres, sans aucune connaissance des lois et du barreau, enfin des pêcheurs et des publicains, en qui il n’y a rien que de bas, puisque tout conspire à leur abaisser l’esprit et le cœur. Si des choses si grandes et si difficiles auraient pu étonner les cœurs les plus haut placés, et ébranler les courages les plus fermes, comment des hommes sans expérience, qui n’avaient jamais pensé à rien de grand, ont-ils pu les entendre sans être abattus et atterrés ? Et cependant ils ne le furent pas. Il n’y a rien d’étonnant à cela, dira quelqu’un, puisque Jésus-Christ leur avait donné la puissance de guérir les lépreux et de chasser les démons. Et moi je réponds au contraire que c’est ce qui les devait troubler davantage, qu’en ressuscitant les morts et faisant tant de miracles ils dussent souffrir néanmoins des maux si épouvantables, endurer les prisons et les chaînes, être traînés devant les tribunaux, enfin être en butte aux attaques de tous et devenir l’horreur du genre humain. Rien n’était plus capable de les étonner, que cette alliance incompréhensible des plus grands maux avec les miracles.
2. Que leur reste-t-il donc pour les consoler, sinon la puissance de Celui qui les envoie ? C’est pourquoi il dit dès l’entrée de ce discours : « Je vous envoie. » Cela seul suffit pour vous consoler : cela seul suffit pour vous donner du courage, et pour vous empêcher de craindre ceux qui vous attaqueront. Qui admirera cette autorité, cette puissance, cette force à qui rien n’est difficile ? Il semble qu’il leur dise : Ne vous troublez point de ce que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups, et de ce que je vous commande d’être simples comme des colombes. Il me serait aisé de choisir une autre conduite. Je pourrais bien vous dispenser si je le voulais de tous les maux que je vous prédis. Je pourrais bien empêcher que vous ne fussiez exposés à vos ennemis comme des agneaux à des loups, et vous rendre au contraire plus terribles que des lions. Mais il est mieux que je me conduise de la sorte, puisque ma puissance et votre vertu en paraîtront davantage. C’est ce qu’il dit lui-même ensuite à saint Paul : « Ma grâce vous suffit, parce que ma force se perfectionne dans l’infirmité. » (2Cor. 21,9) C’est donc moi, leur dit-il, qui ai voulu vous rendre ainsi doux comme des agneaux. Car lorsqu’il leur dit : je vous envoie comme des brebis, il leur donne ceci à entendre : ne vous laissez point abattre, car je sais, je sais très certainement que c’est principalement par cette douceur que vous serez invincibles à tous les efforts de vos ennemis.
Et voulant ensuite que ses apôtres fissent tout ce qui dépendait d’eux-mêmes sans se négliger, comme si tout devait venir de la grâce, ou qu’on pût recevoir la couronne sans : l’avoir justement méritée, il ajoute : « Soyez