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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/287

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6. Que serait-ce s’il arrivait, ce que je prie Dieu de ne pas permettre ; que serait-ce, dis-je, s’il arrivait quelque persécution dans l’Église ? Quel désordre ne verrait-on pas, et à quelle confusion ne serions-nous pas exposés ? Car où est le fidèle qui pourrait combattre, puisque personne ne s’exerce avant le combat ? Quel est l’athlète qui puisse vaincre son adversaire, et remporter le prix aux jeux olympiques, si dès sa jeunesse il ne s’est formé dans l’art de la lutte ? Ne devrions-nous pas courir tous les jours dans la carrière de la foi et combattre tous les jours ? Ne voyez-vous pas que les athlètes qui n’ont pas d’antagonistes se servent d’un sac plein de sable, pour faire ainsi l’essai de leurs forces, et que les plus jeunes d’entre eux s’exercent contre d’autres plus robustes pour se préparer à un combat véritable ? Imitez-les, vous qui êtes les athlètes de Jésus-Christ. Exercez-vous dans les combats de la piété et de la sagesse. Nous trouvons tous les jours des personnes qui nous portent à l’aigreur et à la colère, et qui allument en nous le feu de nos passions. Résistez à ces ennemis invisibles, supportez ces peines de l’âme, pour vous rendre plus supportables celles du corps.
Si le bienheureux Job ne se fût ainsi exercé avant le combat, il n’eût jamais témoigné dans l’occasion une patience si inimitable. S’il ne se fût longtemps étudié à étouffer tous les murmures et les ressentiments de son cœur il eût sans doute dit quelque parole déréglée, lorsqu’il se vit tout d’un coup accablé de tant de maux. Mais parce qu’il s’était acquis une grande force en s’accoutumant à tout souffrir, il ne put être abattu ni par la perte de tous ses biens, ni par la mort si soudaine de tous ses enfants, ni par la fausse compassion de sa femme, ni par les plaies horribles de tout son corps, ni par les reproches de ses amis, ni par les insultes de ses domestiques.
Que si vous désirez de savoir quels furent les exercices par lesquels il se prépara à ce grand combat, écoutez jusqu’à quel point il témoigne lui-même qu’il méprisait les richesses. « Vous savez, Seigneur », dit-il à Dieu, « si je me suis réjoui d’avoir de grands biens, si j’ai regardé l’or comme mon appui, et si j’ai mis ma confiance dans les pierres précieuses. » (Job. 31,25) Ainsi il ne se troubla point d’être devenu pauvre, parce qu’il n’avait point eu de joie de se voir si riche.
Considérez aussi de quelle manière il gouvernait ses enfants. Sa conduite envers eux n’était point molle et relâchée comme la nôtre ; niais pleine de vigilance et d’une sage sévérité. Car s’il avait tant de soin d’offrir à Dieu des victimes pour leurs fautes secrètes, avec quel zèle les a-t-il dû reprendre pour celles qui étaient visibles ? Si vous voulez voir encore comment il s’exerçait à la continence, voyez ce qu’il dit : « J’ai fait un pacte avec mes yeux, pour n’avoir pas seulement une pensée d’une vierge. » (Job. 31,1) Nous voyons aussi que sa femme ne put abattre son grand courage, parce qu’il ne l’aimait que comme un homme sage doit aimer sa femme. C’est pourquoi j’ai admiré souvent en moi-même comment le démon osa tenter ce saint homme, et comment il entreprit même de le vaincre, lui qui savait que par un long exercice il s’était élevé jusqu’au comble de la vertu. Mais le démon est comme une bête cruelle. Il est toujours altéré de sang. Il ne se rebute point, et il ne désespère jamais de nous perdre. Son opiniâtreté est la condamnation dé notre mollesse, puisqu’il ne désespère jamais de nous perdre, au lieu que nous désespérons au contraire si aisément de nous sauver. Mais considérez encore comment ce saint homme se préparait aux maux du corps et aux plaies horribles dont il fut frappé. Comme il n’avait rien à souffrir en lui-même, parce qu’il vivait dans les richesses, dans l’abondance de toutes choses et dans la magnificence, il arrêtait ses yeux sur les misères des autres. Et c’est ce qui lui fait dire : « Le mal que je craignais m’est arrivé, et les afflictions que je considérais avec frayeur sont tombées sur moi. » Et ailleurs : « J’ai répandu des larmes sur toutes les personnes affligées, et j’ai soupiré quand j’ai vu un homme dans la misère. » (Job. 3,25) C’est là ce qui l’a rendu invincible dans sa douleur et invulnérable à tous les traits du démon.
Car il ne faut pas seulement compter parmi ses maux la perte de ses biens, la mort de ses enfants, les plaintes empoisonnées de sa femme et les plaies incurables de tout son corps. Il faut jeter les yeux sur d’autres encore beaucoup plus sensibles. Cela vous surprend sans doute, et vous demandez en vous-même ce que Job a souffert de plus grand et de plus sensible que ce que nous venons de dire, puisque c’est tout ce que l’Écriture nous en rapporte. Je ne m’étonne pas de votre doute. Je