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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/289

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à cause de moi : vous souffrirez pour mon nom. S’ils ont appelé le maître Béelzébub, comment ne traiteront-ils pas de même ses disciples ? » Mais Job ne pouvait pas se consoler par une si haute considération. Il n’avait point reçu comme les apôtres le don de faire des miracles et il n’était point assisté de Dieu si puissamment. Car il n’avait point reçu le Saint-Esprit dans cette plénitude avec laquelle il a depuis été donné à l’Église.
Nous devons encore considérer que Job avait été nourri dans une grande délicatesse ; qu’il avait vécu dans les plaisirs et dans la jouissance de toutes sortes de biens ; qu’il était en cela bien différent des apôtres, pêcheurs accoutumés à une vie dure et pauvre ; et qu’ainsi il fallait une grande vertu pour passer tout d’un coup du comble des délices dans une extrême misère. Il a souffert aussi comme les apôtres, les injures, les outrages et les insultes ; mais ceux qui le traitaient de la sorte étaient ses propres amis et ses domestiques, car il était également haï de ses ennemis, et de ceux qu’il avait le plus obligés. Mais dans tous ces maux il n’a point eu le bonheur, comme nous l’avons déjà remarqué, d’être soutenu par cette ancre sacrée qui rassurait les apôtres parmi toutes les tempêtes de ce monde, c’est-à-dire de souffrir « pour Jésus-Christ et pour le nom du Sauveur. » J’admire ces trois jeunes hommes de la fournaise, qui résistèrent à ce tyran si redoutable, et qui méprisèrent toute la violence des flammes. Mais considérez aussi ce qu’ils disent à ce roi barbare : « Nous n’adorons point vos dieux, et nous n’adorerons jamais cette idole que vous avez faite. » (Dan. 3,7) C’était là leur grande consolation, de savoir qu’ils souffraient pour Dieu tout ce qu’ils souffraient. Job au contraire ne savait pas que tout ce qu’il souffrait venait d’un combat qui se passait dans sa personne entre Dieu et le démon ; et sans doute que s’il l’eût su, cette pensée l’aurait rendu insensible à tous ses maux. C’est pourquoi, aussitôt qu’il eût entendu ces paroles du Seigneur : « Croyez-vous que je vous aie ainsi affligé pour un autre sujet que pour faire connaître et publier votre vertu et votre justice (Job. 24,3) ? » vous voyez comme à cette parole, il reprend une nouvelle force, comme il s’anéantit en lui-même, et comment il croit n’avoir pas même souffert ce qu’il a souffert. « Pourquoi », dit-il, « croit-on encore que Dieu m’ait traité de la sorte pour mes péchés, après avoir entendu ces paroles, moi qui ne suis rien ? » (Job. 24,13) Et ailleurs : « Je ne pouvais que vous écouter auparavant, mais maintenant mon œil vous a vu. C’est pourquoi je me méprise moi-même, je me fonds et je m’écoule comme l’eau, et je me regarde comme la poussière et la cendre. » (Job. 42,5)
Imitons, mes frères, ce courage si fort et si humble. Imitons, nous qui ne sommes plus sous la loi, mais sous la grâce, un homme qui vivait avant la loi et avant le temps heureux de la grâce, afin que nous puissions mériter d’entrer un jour comme lui dans les tabernacles éternels où je prie Dieu de nous conduire, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire et l’empire, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.