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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/298

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vient pas tant de son premier dessein, que de la malice des hommes. Il souhaiterait qu’ils fussent tous liés ensemble par un même esprit de piété ; mais parce qu’ils se divisent les uns contre les autres, ces divisions produisent nécessairement la guerre. Lors donc qu’il dit ces paroles « Je ne suis point venu pour apporter la paix sur la terre », il les dit pour consoler ses apôtres, comme s’il leur disait Ne croyez pas que ce soit vous qui soyez cause de toutes ces divisions. C’est par mon ordre et par ma volonté qu’elles doivent arriver ; parce que je connais quelle sera pour lors la disposition des hommes. Ne vous troublez donc point alors, comme s’il vous arrivait quelque chose que vous n’eussiez pas prévu ; c’est moi-même qui le veux ; c’est moi qui vous assure que je suis venu « pour apporter la guerre au « monde. » Ainsi ne vous étonnez point que, toute la terre s’arme et se soulève contre vous. Quand, par ces combats, ce qu’il y a de corrompu dans le monde en aura été retranché, le ciel se réconciliera avec la terre.
Jésus-Christ leur parle de la sorte pour les fortifier contre les opinions peu avantageuses que plusieurs devaient avoir d’eux. Il ne leur dit pas même : « Je suis venu apporter » la guerre, mais ce qui est plus effrayant : « Je suis venu apporter l’épée sur la terre. » Et ne vous étonnez pas qu’il se serve de paroles qui semblent si dures. Il a voulu les accoutumer d’abord à ces expressions fortes, afin qu’ils ne fussent pas surpris, lorsqu’ils se trouveraient dans l’occasion. Il voulait empêcher qu’on ne pût dire qu’il eût trompé la simplicité de ses apôtres par des paroles douces et flatteuses en leur cachant le mal qu’ils devaient souffrir un jour. Il affecte même de leur parler de ces choses en des termes plus durs que ne sont ceux dont on devrait naturellement user pour exprimer ce qu’il dit, parce qu’il vaut mieux témoigner sa douceur par des effets que par des paroles. C’est pourquoi il ne se contente pas de cette proposition générale. Il s’étend même sur les circonstances de cette nouvelle sorte de guerre qu’il apporte au monde, et il en fait une peinture qui surpasse tout ce qu’il y a d’horreur dans les plus cruelles guerres civiles. « Car je suis venu pour séparer l’homme d’avec son père, la fille d’avec sa mère, et la belle-fille d’avec sa belle-mère (35). » On ne verra pas seulement les citoyens s’élever contre les citoyens, et les amis contre les amis ; mais les plus proches et ceux qui étaient le plus étroitement liés, se feront une plus cruelle guerre. La nature se déclarera contre elle-même. Le fils se séparera de son père, et la fille de sa mère. Ce ne seront plus seulement ceux de la même maison qui se feront la guerre, mais ceux qui étaient le plus unis par tous les liens du sang. Rien ne pouvait mieux marquer la toute-puissance de Jésus-Christ que de voir les apôtres entendre ces prédictions effroyables, et les croire sans s’étonner, et pouvoir même les persuader aux autres.
Mais il faut toujours se souvenir que ce n’était pas Dieu qui était l’auteur de ces sanglantes divisions, et qu’elles n’étaient que l’effet de la malice des hommes. Cependant il parle comme s’il en était l’auteur, car c’est la coutume de l’Écriture de s’exprimer de la sorte, comme elle dit ailleurs : « Dieu leur a donné des yeux afin qu’ils rie voient point. » (Is. 12,2) Et Jésus-Christ le fait en cette rencontre, afin, comme nous avons dit, que lorsqu’ils seraient dans l’occasion, et qu’on les attaquerait avec toutes sortes d’outrages et d’injures, ils ne se trouvassent point surpris après qu’il leur avait prédit et représenté toutes choses d’une manière si forte.
Que si quelqu’un s’étonne que des divisions si étranges aient pu arriver à l’occasion de l’Évangile, qu’il se souvienne de l’Ancien Testament. On y a vu des histoires aussi sanglantes que celle que prédit Jésus-Christ, et qui font voir une liaison admirable de l’une et de l’autre loi ; et que Celui qui parle ici à ses apôtres était le même qui présidait alors à tous ces événements. Qu’il se souvienne que du temps de Moïse la colère de Dieu ne put être apaisée qu’après que les frères eurent tué leurs propres frères pour venger Dieu qui avait été outragé par le culte impie et idolâtre qu’on avait rendu au veau d’or et à Belphégor. (Ex. 32,27)
Où sont donc ceux qui disent : le Dieu de l’Ancien Testament est un Dieu méchant, mais le Dieu du Nouveau est un Dieu doux et plein de bonté ? Qu’ils considèrent que Jésus-Christ, parlant de son Évangile, dit que les proches répandront le sang de leurs proches. Et nous soutenons que cela même est un effet de la douceur de Dieu, et une grande miséricorde. Aussi Jésus-Christ voulant montrer qu’il était le même qui avait agréé dans l’ancienne loi