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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/304

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donc point si dur et si inhumain dans vos jugements. Quand vous seriez le plus innocent du monde, la loi de Dieu ne vous permettrait pas d’examiner et de juger si sévèrement votre frère. Si l’Évangile nous assure que cette faute perdit le pharisien, quelle excuse nous restera-t-il en la commettant ? S’il est défendu aux innocents mêmes de censurer les autres avec trop de rigueur, combien l’est-il plus aux pécheurs ?
Cessons donc, mes frères, d’être si cruels envers les pauvres, cessons d’être sans compassion et sans miséricorde. Car je sais que quelques-uns ont témoigné tant de dureté, que voyant des personnes qui mouraient de faim, ils les laissaient en cet état pour s’épargner une peine très-légère. Je n’ai point ici mes gens, leur disaient-ils, ma maison est loin et je n’ai ici personne de connaissance à qui je puisse emprunter de l’argent. O cruauté plus digne des bêtes que des hommes ! Vous laisserez donc un pauvre mourir de faim, pour vous épargner la peine de faire trois pas ! O négligence barbare ! ô mépris insolent et insupportable ! Quand vous auriez eu une demi-lieue à faire, auriez-vous dû appréhender ce chemin ? Ne pensez-vous pas que plus vous avez de peine, plus vous en serez récompensé ? Quand vous donnez de votre bien, Dieu vous en tient compte ; mais si vous y joignez votre travail, vous en recevrez une double récompense. N’est-ce pas ce que nous admirons avec sujet dans ce grand patriarche Abraham ? il avait trois cent dix-huit serviteurs, et il ne s’en servit point pour exercer la charité par leurs mains, mais il alla lui-même au troupeau pour y prendre de quoi donner à manger aux hôtes qui l’étaient venu trouver ; et nous voyons aujourd’hui des personnes assez superbes pour ne faire leurs charités que par leurs valets.
Mais si je fais ces aumônes par moi-même, dites-vous, ne semblera-t-il pas que je recherche la vaine gloire ? Mais c’est par une autre vaine gloire que vous agissez ainsi, vous qui rougissez qu’on vous voie parler à un pauvre. Ce n’est pas néanmoins ce que je veux examiner ici ; donnez seulement l’aumône soit par vous, soit par les autres, et ne querellez point les pauvres, ne les frappez plus, et ne leur dites plus d’injures. Ce pauvre qui s’adresse à vous a besoin d’être guéri et non d’être blessé ; il a besoin de pain et non pas de coups. Si un homme avait reçu un coup de pierre à la tête, et que vous choisissant entre tous les autres, il vint 5e jeter à vos genoux, tout couvert de sang, seriez-vous assez cruel pour le frapper de nouveau, et pour lui faire une seconde blessure ? Je ne vous crois pas assez durs, et je m’assure au contraire que vous tâcheriez de