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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/325

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si nous jugeons sainement des choses, non seulement nous ne trouverons pas ces choses pénibles, mais elles nous paraîtront même très-douces et très agréables. Ne soyez point surpris de ceci, et ne vous troublez pas de ce que je dis. Examinons avec soin chacune de ces choses dont je viens de vous parler. Commençons, si vous voulez, par ce qui paraît plus insupportable presque à tout le monde. Dites-moi donc lequel des deux vous choisiriez, d’avoir simplement le Soin de votre nourriture de chaque jour, ou de vous charger l’esprit de mille inquiétudes pour l’avenir ? de n’avoir qu’un habit sans en désirer davantage, ou d’en posséder un grand nombre, et d’être tourmente jour et nuit par le soin de les garder, d’être toujours dans l’appréhension, ou que les vers ne les mangent, ou que les voleurs ne les emportent, ou qu’un serviteur ne vous les dérobe ?
Je ne puis pas vous exprimer par mes paroles le bonheur de cet état autant qu’on le ressent par l’expérience, et je souhaiterais de tout mon cœur qu’il y eût ici un de ces chrétiens parfaits qui vivent retirés du monde. Vous reconnaîtriez le contentement ineffable dont il jouit dans cette profession, et vous verriez que, considérant sa pauvreté comme son trésor, il ne voudrait pas la changer contre tous les biens du monde. Mais les riches, dites-vous, voudraient-ils devenir pauvres, pour se décharger des soins qui les accablent ? Il est vrai qu’ils ne le voudraient pas. Mais cet attachement qu’ils ont à leurs richesses n’est pas une preuve de la satisfaction qu’ils y trouvent, mais de la maladie et du dérèglement de leur esprit. Je n’en veux point d’autres juges qu’eux-mêmes, puisqu’ils se trouvent tous les jours accablés de nouvelles inquiétudes, et qu’ils pro-testent que la vie leur est à charge. Ces pauvres évangéliques dont je parle ont bien différents. Ils sont toujours dans la joie, toujours dans la paix, et ils se glorifient plus de leur pauvreté que les rois de leur diadème.
4. Considérez aussi combien la pratique des conseils de l’Évangile peut contribuer à notre repos, puisqu’il est plus aisé de tendre l’autre joue à celui qui nous a donné un soufflet, que de se mettre en état de le lui rendre. L’un est la source des divisions et des guerres, l’autre apaise toutes les querelles. L’un allume encore davantage le feu de la passion qui brûlait dans notre frère, l’autre l’éteint, et dans lui et dans nous-mêmes. Or il est indubitable qu’il est plus doux de ne point brûler que d’être consumé du feu. Et si cela est vrai du corps, c’est encore plus vrai de l’âme.
Vous regardez de même la mort comme un grand mal, et cependant elle est un bien pour les serviteurs de Dieu. Car lequel est le plus agréable de lutter dans le combat, ou d’être déjà vainqueur ; de courir dans la carrière, ou d’être déjà couronné ; de combattre encore contre les flots, ou d’être déjà arrivé au port ? La mort donc est préférable à la vie. L’une délivre de la tempête, l’autre en ajoute toujours de nouvelles, et nous expose à mille périls et mille malheurs qui nous rendent insupportables à nous-mêmes.
Si vous ne me croyez pas, demandez à ceux qui ont été témoins de la constance des martyrs ; Ils savent que ces saints ont été battus de verges et déchirés par des ongles de fer, avec un visage serein et tranquille, qu’ils se sont étendus sur des grils brûlants, comme s’ils se fussent couchés sur des roses, et qu’ils ont trouvé les délices et une joie toute céleste dans les supplices les plus effroyables, et dans la mort même. C’est pourquoi saint Paul, près de mourir, et d’une mort violente, dit : « Je me réjouis et je me conjouis pour vous tous, et vous, réjouissez-vous de même, et conjouissez-vous avec moi. » (Phil. 2,16-17) Qui n’admirera le zèle avec lequel ce grand apôtre exhorte toute la terre à prendre part à sa joie ? Tant il croyait que c’est un grand avantage de sortir bientôt de cette vie, et que la mort qui paraît si terrible n’a rien que d’aimable et de désirable à un disciple de Jésus-Christ !
On pourrait prouver encore par beaucoup d’autres raisons combien le joug du Sauveur est doux et léger, mais considérons maintenant combien celui du péché est dur et insupportable. Examinons ces avares qui ne rougissent point de leurs rapines et de leurs usures. Qu’y a-t-il de plus pénible que ce commerce infâme ? combien de soins, combien d’afflictions, combien de périls, combien de piéges, combien de guerres naissent tous les jours de ce désir d’amasser ? Comme la mer n’est point sans agitation, ainsi ces personnes ne sont jamais sans trouble et sans crainte. Les peines et les inquiétudes se succèdent les unes aux autres, et avant que les unes soient finies les