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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/328

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grand, plus ceux qui l’auront imité seront excusables.
2. Mais à quoi sert toute cette histoire, me direz-vous, puisque David n’a point violé le sabbat ? Il n’a point violé le sabbat, mais il a fait ce qui était encore moins permis : c’est donc une raison de plus pour admirer la sagesse de Jésus-Christ qui, pour justifier ses disciples d’avoir violé le sabbat, rapporte un exemple qui n’est pas tout à fait semblable, mais qui prouve beaucoup plus. Car ce n’était pas une égale faute de ne pas garder le respect dû au jour du sabbat, ou de toucher à cette table sacrée, dont il n’était pas permis d’approcher. Il y avait plusieurs exemples de la violation du sabbat. On le violait presque tous les jours, comme dans la circoncision, et dans plusieurs actions semblables. On voit même qu’il fut violé dans la prise de Jéricho. Mais il n’y avait que ce seul exemple de la profanation de ces pains ; ce qui le rendait bien plus fort, et plus propre aux desseins de Jésus-Christ. Il aurait pu même insister davantage sur cet exemple, et leur dire : Comment personne n’a-t-il accusé David de cette profanation, puisqu’elle donna même lieu à la mort de tant de prêtres ? Mais il ne le fait pas, et il se contente de prendre de cette histoire ce qui était entièrement attaché à son sujet. Il justifie encore ses apôtres d’une autre manière, et après avoir fermé la bouche aux pharisiens par l’exemple de David, et réprimé leur insolence par l’autorité de ce saint prophète, il leur apporte un autre argument pour les confondre encore davantage. « N’avez-vous point lu dans la loi que les prêtres au jour du sabbat violent le sabbat dans le temple et ne sont pas néanmoins coupables (5) ? » Dans l’action de David, c’est la circonstance qui produit la violation, mais il n’y avait rien de semblable dans la manière dont les prêtres violaient le sabbat. Néanmoins Jésus-Christ ne rapporte point d’abord cette raison si convaincante. Il défend premièrement cette action de ses apôtres, comme en l’excusant, et ensuite il la justifie entièrement. Il fallait ainsi réserver pour la fin ce qu’il y avait de plus fort, quoique cette première raison eût aussi sa force. On me dira que ce n’est pas décharger quelqu’un d’un crime que de dire qu’un autre y soit tombé. Mais lorsqu’une action s’est faite publiquement sans donner lieu à une accusation, il semble que son exemple est la justification de ceux qui l’imitent.
Cependant Jésus-Christ ne se contente pas de cela. Il apporte encore une raison plus puissante, et il montre que cette violation du sabbat n’est point un péché, ce qui lui donnait tout l’avantage sur ses ennemis. Il fait voir que la loi se détruisait elle-même ; qu’elle se détruisait doublement, puisqu’elle ne permettait pas seulement de violer le sabbat, mais de le violer dans le temple même ; ou plutôt qu’elle se détruisait triplement, car ce n’était pas simplement le sabbat qui était violé et dans le temple, mais encore c’étaient les prêtres qui commettaient cette violation, sans qu’il y eût en cela aucun péché : « Et ils ne sont pas néanmoins coupables », dit Jésus-Christ.
Considérez donc, mes frères, combien de preuves Jésus-Christ rapporte tout ensemble : preuves tirées du lieu, c’est dans le temple ; des personnes, ce sont des prêtres ; du temps, c’est le jour du sabbat ; de la chose même, c’est la violation d’un jour saint. Car Jésus-Christ ne dit pas : Ils n’observent pas le sabbat ; mais ce qui est beaucoup plus, ils « le violent », et ceux qui sont plus que ses apôtres, non seulement n’en sont point punis, mais ils ne fout pas même la moindre faute : « Et ne sont pas néanmoins coupables. »
Cette dernière preuve est donc bien différente de la première. Car David n’a fait qu’une fois ce qu’il fit alors : il ne l’a fait que par une nécessité absolue ; il n’était pas prêtre lorsqu’il le faisait, ce qui le rendait fort excusable : au lieu que ce que dit Jésus-Christ dans cette dernière raison, se faisait à chaque jour de sabbat, et par les prêtres, et dans le temple même, et par l’ordre de la loi. Car lorsque j’excuse les prêtres en cette rencontre, dit Jésus-Christ, ce n’est point en usant envers eux d’aucune condescendance, mais en les jugeant selon la justice. Il semble faire l’apologie des prêtres, mais il fait en effet celle des apôtres : et en assurant des uns « qu’ils ne sont aucunement coupables », il fait voir que les autres sont très-innocents.

Mais les apôtres, direz-vous, n’étaient pas prêtres, ils étaient plus que les prêtres, puisqu’ils appartenaient au véritable Seigneur du temple, à Celui qui n’était pas la figure des choses divines, comme le temple des Juifs, mais la vérité même. C’est pourquoi Jésus-Christ leur dit : « Et cependant je vous dis que