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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/340

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de Dieu est parvenu jusqu’à vous (28). » Quel est ce royaume de Dieu » ? C’est ma présence sur la terre. Remarquez encore combien il attire à lui les Juifs, combien il cherche à les guérir, et à faire en sorte qu’ils le connaissent. Il leur représente qu’ils s’opposent eux-mêmes aux grands biens qu’il leur veut faire et qu’ils agissent contre leur propre salut. Au lieu que vous devriez vous réjouir et être ravis de ce que je suis ici pour vous dispenser les grâces que les prophètes ont prédites au-autrefois, et de ce que le temps de votre bonheur est enfin venu, vous faites tout le contraire, et non seulement vous vous opposez aux grands dons que je vous offre, mais vous me déshonorez même par vos fausses accusations et par vos calomnies.
Saint Matthieu dit ici : « Que si je chasse les démons par l’Esprit de Dieu ; » et saint Luc : « Que si je chasse les démons par le doigt de Dieu », ce qui montre que c’est l’ouvrage de la toute-puissance de Dieu de chasser ainsi les démons, et non pas l’effet d’une grâce qui soit ordinaire. Il veut aussi qu’ils puissent conclure de là que le Fils de Dieu est venu. Mais il ne le dit pas clairement. Il se sert d’une expression figurée en disant : « Vous devez croire que le règne de « Dieu est parvenu jusqu’à vous. » O sagesse admirable du Sauveur ! Il établit son incarnation et prouve son avènement au monde par les accusations mêmes de ses ennemis. Et pour les attirer davantage à lui, il ne dit pas seulement : « Le royaume de Dieu est venu », mais il dit, « est parvenu jusqu’à vous ; » comme s’il disait : ces grands biens sont venus pour vous. Pourquoi donc recevez-vous avec chagrin et avec tristesse la nouvelle de votre bonheur ? Pourquoi combattez-vous votre salut ? Voici le temps que les prophètes vous ont marqué autrefois. Ils ont prédit que je viendrais, et ils ont donné pour marque de mon avènement, qu’il se ferait alors des miracles par une puissance toute divine. Vous êtes témoins que ces miracles se font, et ils sont assez grands pour faire voir qu’il n’y a que Dieu qui les puisse faire. Le démon ne peut être maintenant plus puissant qu’il l’a été jusqu’ici. Il faut nécessairement qu’il soit plus faible. Et il est impossible que le démon étant faible chasse un autre démon qui est très-fort. C’est ainsi qu’il leur parlait, pour leur montrer que toute la force vient de la charité et de l’union, et toute la faiblesse de la division et du schisme. C’est pourquoi il exhorte sans cesse et à tout propos ses disciples à la charité, leur représentant que le démon fait tous ses efforts pour la détruire.
Après cette seconde raison Jésus-Christ en donne une troisième. « Aussi comment quelqu’un peut-il entrer dans la maison d’un « homme fort et puissant et piller ses armes et ce qu’il possède, si auparavant il ne le lie pour pouvoir ensuite piller sa maison (29) ? » Il est clair par ce qui a déjà été dit que Satan ne peut point chasser Satan. Il est encore évident que personne ne peut chasser un homme fort, si auparavant il ne le surmonte. Que devez-vous donc conclure de là, dit Jésus-Christ aux Juifs, sinon la vérité de ce que je vous al déjà dit, de ce qui vous est encore une fois démontré ici avec un surcroît de force ? savoir, que je suis si éloigné de faire ces miracles par la puissance du démon et d’avoir quelque intelligence avec lui, que je lui fais au contraire une guerre continuelle, que je l’ai vaincu, et que je le tiens dans les chaînes ? Et je ne veux point vous en donner d’autre preuve que ces dépouilles que je lui ai arrachées.
Considérez, mes frères, comment Jésus-Christ tire toujours des raisonnements des Juifs le contraire de ce qu’ils avaient prétendu. Ils voulaient montrer que Jésus-Christ ne faisait pas ces miracles par lui-même, mais par la vertu des démons. Et Jésus-Christ au contraire prouve qu’il a vaincu non seulement les démons, mais leur prince même et leur chef, et qu’il le tient « enchaîné » par sa puissance. Et il le prouve par les effets. Car si les démons ont un chef et un prince, comment aurait-il pu prendre leurs dépouilles, sans avoir auparavant vaincu leur prince ?
Il me semble qu’il parle ici prophétiquement, parce que non seulement les démons sont « les vases » et les instruments de Satan, mais encore tous les hommes qui vivent comme le démon leur commande. Il déclare donc ici qu’il ne chasse pas seulement les démons, mais qu’il va encore bannir de la terre toutes les erreurs dont ils l’ont remplie ; qu’il va détruire tous les enchantements dont il aveuglait les âmes, et rendre inutiles toute sa méchanceté et ses artifices. Il ne dit pas qu’il ravira, mais qu’il « pillera », pour marquer qu’il le fera avec plus d’autorité et de puissance. Il lui donne le nom de « fort », non