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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/347

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armé de soldats et d’un grand nombre de troupes ; David, au contraire, n’était armé que de la justice qui le couvrait comme d’un bouclier qui lui tenait lieu de toute une armée. C’est pourquoi après avoir souffert tant d’injustices et de violences il ne voulut point tuer son persécuteur, quoiqu’il eût pu le faire sans blesser la justice, parce qu’il savait que le courage d’un homme doit paraître non à faire le mal, mais à le souffrir.
Jetez maintenant les yeux sur le patriarche Jacob. Ne fut-il pas traité, par Laban avec beaucoup d’injustice et de violence ? cependant qui des deux fut le plus fort ? ou Laban qui tenant Jacob en sa puissance n’osa jamais le toucher ; ou Jacob qui étant sans armes et sans soldats ne laissa pas dé lui être plus redoutable que n’auraient été dix mille rois ?
3. Mais pour vous mieux prouver ce que je vous ai déjà dit, je retourne encore à David, pour le considérer, d’une manière toute contraire à celle dont nous l’avons envisagé. Car après avoir été si ferme et si courageux lorsqu’on lui faisait violence, n’a-t-il pas été ensuite le plus faible de tous les hommes lorsqu’il a fait violence aux autres ? Ne vit-on pas dans l’injustice qu’il fit à une que l’auteur de l’injure devient le plus faible et l’offensé le plus fort ? Une, tout mort qu’il était, mettait le désordre dans la famille de David et troublait tout son royaume ; et David tout vivant et tout roi qu’il était, était trop faible pour lui résister. Il ne pouvait empêcher qu’un seul homme, et un homme mort, ne remplît tout son État de confusion et de trouble.
Voulez-vous que je vous fasse voir encore plus clairement ce que je vous dis ? Examinons ce qui est arrivé à ceux qui se sont vengés même avec justice. Car nous avons déjà fait voir que ceux qui outragent injustement les autres, sont sans comparaison plus faibles que ceux qu’ils haïssent, puisqu’ils se perdent eux-mêmes en les voulant perdre. Joab, général de l’armée de David, peut me servir à prouver ce que je vous dis. Il voulut venger la mort de son frère et il excita pour cela une guerre civile, et s’engagea dans une longue suite d’afflictions et de maux, qu’il se serait épargnés, s’il eût eu assez de vertu et de sagesse pour souffrir constamment la perte d’une personne qui lui était chère.
Fuyons donc ce crime, mes frères, et n’offensons jamais nos frères, ni par nos actions, ni par nos paroles. Jésus-Christ n’a pas dit : Si vous accusez publiquement, si vous dénoncez au juge, mais simplement : « Si vous dites du mal », quand ce ne serait qu’en vous-même, vous ne laisserez pas d’en être très-sévèrement puni. Quand ce que vous auriez dit se trouverait en effet véritable, et que vous en connaîtriez d’une manière certaine la vérité, vous ne laisserez pas d’être puni. Car Dieu vous jugera non point par ce qu’un autre aura fait, mais par ce que vous aurez dit vous-même : « Vous serez », dit-il, « condamné par vos paroles. »
Ne vous souvenez-vous pas que le pharisien ne disait rien qui ne fût très-véritable et très – connu de tout le monde, et que néanmoins sans qu’il eût révélé : des fautes secrètes et cachées, il fut condamné aux derniers supplices ? S’il ne faut donc point accuser les autres de fautes qui sont connues et qui sont publiques, il faut encore bien moins leur reprocher celles qui sont incertaines et douteuses ? Le pécheur n’a-t-il pas un juge qui le jugera ? Pourquoi usurpez-vous l’autorité du Fils unique du Père ? C’est à lui que le Père a donné tout le pouvoir de juger. C’est à lui qu’il réserve ce trône et ce tribunal.
Que si vous avez tant d’envie de juger, jugez-vous vous-même. Ce jugement ne vous exposera à aucun blâme et vous sera même très-avantageux. Élevez ce tribunal au milieu de vous et représentez-vous tous les dérèglements de votre vie. Redemandez-vous un compte exact de toutes vos actions. Dites à votre âme : Pourquoi avez-vous eu la hardiesse de faire telle ou, telle action ? Que si elle ne prend pas déplaisir à se juger ainsi elle-même et qu’elle aime mieux examiner les fautes des autres, dites-lui encore : Ce n’est pas sur les actions des autres que je vous juge ; ce n’est pas de celles-là que vous avez à vous justifier. Que vous importe qu’un tel vive mal ? Pourquoi vous-même osez-vous faire une telle faute ? Défendez-vous vous-même et n’accusez pas les autres. Examinez-vous vous-même et n’examinez point votre frère.
Intimidez aussi votre âme. Tenez-la dans la crainte et dans la frayeur. Si elle n’a rien à répondre et qu’elle tâche de s’échapper à ce tribunal, contraignez-la d’y comparaître traitez-la comme une criminelle, frappez-la de verges comme une esclave orgueilleuse qui s’est laissée corrompre. Ne laissez passer, aucun jour sans la juger de la sorte. Représentez-