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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/348

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lui ce fleuve de feu, ce ver qui la rongera sans cesse et tous ces supplices si effroyables de l’enfer.
Ne lui permettez point à l’avenir de se laisser souiller par le démon. Ne souffrez plus qu’elle se serve de ces vaines excuses : c’est le démon qui vient me chercher, c’est lui qui me tend des pièges, c’est lui qui m’assiège et qui me tente. Répondez-lui que si elle ne voulait point consentir, il ne lui ferait aucun mal et que tous ses artifices seraient inutiles à son égard.
Que si elle se défend d’une autre manière et qu’elle dise : Je suis liée avec mon corps, je suis environnée d’une chair faible, je demeure parmi des hommes et je suis encore sur la terre, répondez-lui que ce ne sont là que des prétextes pour entretenir ses désordres. Que tels et tels sont, aussi bien qu’elle, environnés d’une chair, qu’ils demeurent en ce monde et qu’ils sont encore sur la terre. Que néanmoins ils vivent dans une vertu admirable et que quand elle aura pris une ferme résolution de bien vivre, la chair ne l’en empêchera plus.
Que si ce discours l’afflige, ne cessez point de la blesser. Ces blessures salutaires que vous lui ferez, ne la tueront pas, mais la sauveront. Si elle répond encore : qu’un tel homme l’a irritée et l’a mise en colère, répondez-lui qu’il était en sa puissance de ne s’y pas mettre et que souvent elle s’en était abstenue. Si elle dit : la beauté de cette personne m’a surprise, répondez-lui qu’il était encore en son pouvoir d’étouffer cette passion. Rapportez-lui l’exemple de beaucoup d’autres personnes qui l’ont éteinte et faites-la souvenir des paroles de la première femme : « Le serpent m’a trompée « (Gen. 3) », à qui néanmoins cette excuse ne servit de rien.
4. Lorsque vous jugerez ainsi votre âme, que personne ne soit présent et que personne ne vous trouble. Imitez les juges qui font tirer les rideaux pour être plus en repos et pour mieux former leurs jugements. Cherchez de même, au lieu de rideaux, un temps et un lieu de solitude et de paix. Quand vous avez soupé et que vous êtes près de vous mettre au lit, jugez-vous alors et examinez vos fautes. Tout y est très-favorable, le temps, le lieu, le lit, le repos. David l’a marqué, lorsqu’il a dit : « Dites dans vos cœurs ce que vous dites, et soyez touchés de componction, lorsque vous êtes sur vos lits. » (Ps. 4,5) Punissez avec sévérité les moindres fautes, afin que vous soyez d’autant plus éloigné de tomber jamais dans les grandes.
Si vous êtes exact à faire cela tous les jours, vous paraîtrez avec confiance devant ce tribunal terrible qui fera trembler tout le monde. C’est ainsi que saint Paul s’est élevé à un si haut point de pureté et d’innocence, et c’est ce qui lui a fait dire : « Si nous nous jugions « nous-mêmes, nous ne serions point jugés de « Dieu. » (1Cor. 2,31) C’est ainsi que Job a purifié ses enfants, puisqu’il est bien croyable qu’offrant à Dieu des sacrifices pour leurs fautes secrètes, il les punissait sévèrement de celles qui paraissaient.
Pour nous autres nous sommes bien éloignés de cette vertu, et nous faisons le contraire de ces grands saints. Aussitôt que nous nous sommes mis au lit, nous repassons dans notre esprit nos affaires domestiques. Il y en a même qui s’entretiennent alors de choses qui blessent l’honnêteté. D’autres pensent à leurs biens et à leurs usures, et s’embarrassent dans mille sortes de soins. Si vous aviez une fille unique, vous veilleriez avec soin pour la conserver chaste et pure ; et vous souffrez que votre âme qui vous devrait être plus précieuse que votre fille, s’abandonne à des fornications spirituelles, et vous lui suscitez vous-même une infinité de pensées mauvaises.
Si l’amour de l’argent, si le désir du gain, si un objet dangereux, si la haine ou la colère, ou quelque autre passion se présente à la porte de notre âme, nous la lui ouvrons aussitôt, nous l’invitons à entrer, nous l’attirons, et nous lui permettons sans rougir de la déshonorer et de la corrompre. Y a-t-il rien de plus cruel que cette mortelle négligence ? Nous n’avons qu’une âme qui nous doit être plus chère que toutes choses ; et nous la prostituons à ces pensées malheureuses et à ces fantômes, comme à des adultères qui ne la quittent qu’après lui avoir fait perdre la pureté, et lorsqu’ils en sont bannis par le sommeil ; ou plutôt ces fantômes ne s’en retirent pas même alors. Les songes de la nuit lui représentent encore les images dont elle s’était remplie durant le jour. Elle se trouve encore occupée alors par ces représentations de la nuit, qui l’expose souvent à des chutes et à des crimes véritables.
Nous ne pouvons souffrir que la moindre poussière ou la moindre paille entre dans notre œil ; et