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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/357

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Entrons donc enfin, mes frères, dans une vie toute nouvelle. Faisons de la terre un ciel. Apprenons aux païens, par notre conduite, combien est grand le bonheur dont ils sont privés. Lorsque nous vivrons d’une manière si chrétienne, ils verront en nous une image de ce qui se passe dans les cieux. Lorsqu’ils nous verront toujours dans la douceur et dans la modestie, exempts de colère, dégagés d’envie, éloignés de l’avarice, libres des passions, et réglés en toutes choses, ils s’écrieront dans un transport d’admiration : si les chrétiens sont des anges dès cette vie, que doivent-ils être après leur mort ? Si leur vie est si éclatante dans un lieu où ils se considèrent comme étrangers, quelle sera leur gloire dans leur véritable patrie ? C’est ainsi que nous édifierons les infidèles, que nous les porterons à la foi, et que le bruit de notre vertu se répandra aussi vite que la foi se répandait du temps des apôtres. Puisque douze hommes purent alors convertir des villes et des provinces entières, si nous les imitions aujourd’hui, et si chacun de nous s’efforçait de faire de sa vie une prédication vivante, jugez jusqu’où s’étendrait la religion chrétienne. Car un païen sera moins touché de la résurrection d’un mort que de la vie sainte d’un chrétien véritable. Il est surpris de l’un, mais il est touché et édifié de l’autre. Le premier passe et s’oublie, l’autre demeure et subsiste et fait une impression profonde dans les esprits.
Travaillons donc à notre salut, afin de travailler ensuite à celui des autres. Je ne vous dis rien de trop austère. Je ne vous ordonne rien de trop rude. Je ne vous défends point de vous marier. Je ne vous commande point de vous retirer dans le désert, et de renoncer à toutes les affaires du monde ; mais je vous exhorte à vivre dans le monde comme un chrétien y doit vivre.
Je souhaiterais que, tout en demeurant comme vous faites au milieu des villes, vous eussiez plus de piété que les solitaires qui habitent les montagnes. Et pourquoi désiré-je cela de vous, sinon parce que l’Église en retirerait un grand avantage ? « Personne », dit l’Évangile, « n’allume une lampe pour la mettre sous un boisseau. » (Mt. 5,20) Soyons donc des lampes brillantes et élevées sur le chandelier, afin que notre lumière éclate de toutes parts. Allumons et entretenons en nous ce feu du ciel. Éclairons ceux qui sont assis dans les ténèbres, afin qu’ils sortent de leurs égarements et de leurs erreurs.
Ne me dites point : Je suis engagé avec une femme ; j’ai des enfants ; je suis embarrassé dans de grands soins, et il m’est impossible de faire ce que vous dites. Quand vous n’auriez aucun de tous ces empêchements, si vous demeuriez toujours dans la même apathie, vous n’en seriez pas plus vertueux ; comme au contraire si vous étiez dans des engagements encore plus grands, et que vous eussiez de l’ardeur et du zèle, vous vous élèveriez enfin au-dessus de tout. Dieu ne vous demande qu’une chose : une âme fervente et généreuse. Et alors ni l’âge, ni la pauvreté, ni les richesses, ni quoi que ce soit, ne vous empêchera d’être vertueux.
On a vu dans tous les siècles des vieillards, des jeunes gens, des personnes mariées et occupées à élever leurs enfants, des artisans, et des soldats qui ont été très-fidèles à Dieu, et qui dans tous les temps ont accompli tous ses préceptes. Daniel était jeune, Joseph était esclave ; Aquila était artisan ; Lidie vendait de la pourpre ; le geôlier de saint Paul gouvernait une prison ; Corneille était centurion ; Timothée était presque toujours malade ; Onésime était non seulement esclave, mais fugitif : et cependant toute cette différence d’états n’a point empêché que toutes ces personnes, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, esclaves ou libres, officiers ou particuliers, n’aient brillé par la sainteté de leur vie.
Ne nous couvrons donc plus de ces vains prétextes. Ayons des pensées plus sages et plus chrétiennes. Quels que nous puissions être par notre condition dans le monde, soyons grands par notre vertu dans l’Église, et nous mériterons un jour les biens du ciel, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est, avec le Père et le Saint-Esprit, la gloire et l’empire maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles, Ainsi soit-il.