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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/39

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doit reconnaître que s’il n’eût été convaincu que tout ce mystère était du Saint-Esprit, il n’eût jamais voulu la retenir auprès de lui, ni lui rendre les assistances qu’il lui a rendues.
3. Cette expression, « elle fut trouvée grosse », est parfaitement choisie, elle marque une chose extraordinaire, surprenante, inattendue. N’allez donc pas plus loin dans ce mystère, et n’en demandez pas plus qu’on ne vous en dit. Ne dites point : Comment le Saint-Esprit a-t-il pu opérer cette merveille dans la Vierge ? Car s’il est impossible d’expliquer la manière dont se fait la génération des hommes, lors même que la nature agit toute seule ; comment le pourrons-nous faire, lorsque le Saint-Esprit agit lui-même, et d’une manière si ineffable ? Aussi l’Évangéliste voulant arrêter votre curiosité, et couper court à toutes vos questions sur ce sujet, dit d’abord qui est Celui qui n fait cette merveille. Tout ce que je sais, dit-il c’est que le Saint-Esprit a opéré.
Que ces esprits curieux rougissent ici de la témérité, avec laquelle ils veulent expliquer la naissance éternelle du Fils de Dieu. Car si cette naissance temporelle qui est prouvée par mille témoins, qui a été prédite avant tant de siècles, qui selon l’expression de saint Jean : « a été vue et touchée au doigt », est néanmoins ineffable, quel n’est pas l’excès de ceux qui osent sonder avec un œil curieux l’abîme profond de la génération divine ? C’est pourquoi, l’archange saint Gabriel et l’Évangéliste saint Matthieu n’en peuvent dire rien autre chose, sinon que c’est l’ouvrage du Saint-Esprit seul. Ni l’un ni l’autre n’entreprend d’expliquer comment et en quelle manière le Saint-Esprit a fait ce grand œuvre, parce qu’ils savaient que ce secret est entièrement inexplicable.
Mais après que l’Évangile vous a enseigné que Jésus-Christ a été conçu du Saint-Esprit, ne croyez pas pour cela comprendre tout ce mystère. Il reste encore après cela beaucoup d’autres choses que nous ignorons. Car, comprenons-nous comment un Dieu infini s’est renfermé dans sa créature ? comment Celui qui contient tout est porté dans le sein d’une femme ? comment une vierge peut enfanter et demeurer toujours vierge ? comment le Saint-Esprit a formé ce temple de chair ? Pourquoi il n’a pas pris d’abord toute sa chair de la Vierge, mais seulement une partie, qui a pris son accroissement et sa forme dans la suite de l’âge ?
Car on ne peut pas douter qu’il ne soit né de la Vierge après ce que dit l’Évangile : « Ce qui est né dans elle. » Saint Paul dit aussi : « Dieu a envoyé son Fils né d’une femme (Gal. 4,4) ; » ce qui ferme la bouche à ceux qui disent que Jésus-Christ n’a passé par Marie que comme par un canal. Car si cela était, qu’aurait-il eu besoin d’être conçu dans le sein de la Vierge ? qu’aurait-il de commun avec nous, puisque sa chair aurait été différente de celle des hommes, n’étant pas prise de la même masse que la nôtre ? Comment donc est-il de la tige de Jessé ? comment en est-il un rejeton et une fleur ? comment est-il fils de l’homme ? comment Marie est-elle sa mère ? comment vient-il de la race de David ? comment a-t-il pris la forme d’esclave ? comment le Verbe s’est-il fait chair ? comment saint Paul dit-il aux Romains : « Jésus-Christ est né des Juifs selon la chair, lui qui est Dieu élevé au-dessus de tout ? » (Rom. 9,5) Nous voyons par toutes ces preuves et par beaucoup d’autres, que la chair de Jésus-Christ a été semblable à la nôtre et qu’il est né d’une mère vierge ; mais nous ne voyons pas de même comment ces merveilles ont été faites. Ne vous mettez donc point en peine de les pénétrer. Recevez humblement ce que Dieu vous découvre et ne recherchez point curieusement ce qu’il vous cache.
Il ne se contente pas de dire que cette naissance venait toute du Saint-Esprit, et qu’elle n’était pas le fruit d’un mariage ordinaire, il le prouve encore. Car pour empêcher qu’on ne dît : comment peut-on savoir cela ? qui a jamais vu, qui a jamais entendu rien de semblable ? et pour prévenir le soupçon qu’on aurait pu avoir que le disciple eût inventé cette fiction afin de favoriser son maître, il fait paraître Joseph qui prouve la vérité de cet événement par la peine qu’il en a soufferte, comme s’il disait : Si vous ne voulez pas me croire, si mon témoignage vous est suspect, croyez au moins celui de l’époux de cette Vierge : « Joseph », dit-il, « son époux, étant juste, », etc. Ce mot de « juste », en cet endroit, marque un homme qui avait toutes les vertus. Car le mot de justice se prend quelquefois particulièrement et pour une seule vertu, comme lorsqu’on dit : Celui qui n’est point avare est juste. Mais il se prend aussi généralement et pour la perfection de toutes les vertus. L’Écriture sainte le prend le plus