Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

souvent dans ce dernier sens, comme lorsqu’elle dit d’un homme qu’il est juste et véridique : « Ils étaient tous deux », dit saint Luc, « justes devant Dieu. » (Lc. 1,6)
4. « Joseph » donc « étant juste », c’est-à-dire, étant bon et charitable, « voulut quitter Marie secrètement. » L’Évangile nous fait savoir les pensées de ce saint homme avant qu’il connût ce mystère, afin que nous ne doutions pas nous-mêmes de ce qui se passa quand il l’eut connu. Si Marie eût été telle qu’il la croyait, elle ne méritait pas seulement d’être déférée ou déshonorée en public, mais encore d’être condamnée au supplice qu’ordonnait la loi. Cependant Joseph épargne non seulement la vie, mais même l’honneur de la Vierge ; et bien loin de la punir, il évite même de la décrier. Que cette sagesse et cette vertu est extraordinaire, et combien ce saint était-il éloigné de cette passion, qui tyrannise les hommes avec tant de violence ! Car vous savez jusqu’où vont les ressentiments de la jalousie. Salomon qui les connaissait parfaitement, disait : « La jalousie du mari sera pleine de fureur, il ne pardonnera point au jour de la vengeance. » (Prov. 6,34) Et ailleurs : « La jalousie est dure comme l’enfer (Cant. 8,6) », et nous connaissons plusieurs personnes qui aimeraient mieux mourir que d’être exposées à ces soupçons qui déchirent l’âme.
Mais il y avait ici bien plus qu’un simple soupçon, puisque la grossesse de la Vierge paraissait une preuve convaincante de ce qu’il craignait. Cependant il est si pur et si exempt de passion, qu’il ne veut pas même affliger Marie dans la moindre chose. Comme d’une part il aurait cru violer la loi en la retenant chez lui, et que de l’autre la déshonorer et l’appeler en jugement, c’était l’exposer à la mort, il ne fait ni l’un ni l’autre, mais il tient une conduite qui est déjà bien supérieure à la loi ancienne. Il convenait qu’aux approches de la grâce du Sauveur, il parût déjà beaucoup de marques d’une perfection plus haute. Comme lorsque le soleil se lève, avant même qu’il répande ses rayons sur l’horizon, on voit paraître de loin une lumière qui éclaire une partie de la terre ; ainsi Jésus-Christ près de sortir du sein de la Vierge éclairait déjà le monde avant que de naître. C’est pourquoi longtemps avant ce divin enfantement, les prophètes ont tressailli d’allégresse, les femmes ont prédit l’avenir, et saint Jean encore dans le sein de sa mère, a bondi dans l’excès de sa joie. Telle est aussi l’origine de la vertu sublime que Joseph fit paraître en cette occasion. Il n’accuse point la Vierge, il ne lui reproche rien : il se contente de se séparer d’elle en secret.
Les choses en étaient là, l’embarras du saint patriarche était extrême lorsque l’ange survient tout à coup et dissipe toutes ces ténèbres. Il y a sujet de s’étonner pourquoi l’ange ne prévient pas plus tôt le trouble et les pensées de Joseph, et pourquoi il ne l’informe de ce mystère qu’après que ce soupçon est entré dans son esprit. D’où vient que l’ange n’avertit point d’abord Joseph comme il avait averti la Vierge avant qu’elle eût conçu du Saint-Esprit ? Et ceci donne lieu encore à une nouvelle difficulté. Car, si l’ange ne découvrait rien à Joseph, pourquoi la Vierge, qui avait tout appris de l’ange, ne l’en avertissait-elle pas ? Comment, en voyant son fiancé si troublé, ne lui donnait-elle point la lumière qui eût dissipé ses doutes ?
Pour résoudre ces deux questions, je dis que l’ange n’apparut point d’abord à Joseph, de peur qu’il ne demeurât incrédule, et qu’il n’éprouvât la même défiance que Zacharie. Lorsqu’on voit une chose de ses yeux, il est aisé de la croire ; mais lorsqu’il n’en paraît encore rien, on ne la croit pas si facilement. C’est pourquoi l’ange ne prévient point Joseph, et c’est pour la même raison que la Vierge garde le silence. Elle ne comptait pas être crue de son fiancé, si elle lui annonçait elle-même une chose si extraordinaire, elle appréhendait même de l’irriter, et qu’il ne prît ce qu’elle lui dirait pour une excuse dont elle voudrait couvrir sa faute. Que si la Vierge qui allait être comblée d’une si grande grâce, éprouve elle-même quelque effet de la faiblesse humaine, et dit à l’ange : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d’homme ? (Lc. 1,34) », saint Joseph aurait eu plus de raison de douter de ce mystère, lorsqu’il l’aurait appris de son épouse, et dans le temps même où elle lui était devenue suspecte. Voilà pourquoi la Vierge garde le silence, et pourquoi l’ange attend pour le rompre le temps propice et favorable.
5. Pourquoi Dieu, dites-vous, ne garde-t-il pas la même conduite à l’égard de la Vierge, en ne lui annonçant ce mystère qu’après la conception ? Pour lui épargner une grave inquiétude