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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/41

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et un grand trouble. Si le mystère de la conception divine se fût opéré en elle sans qu’elle eût été prévenue, songez à quelle extrémité elle aurait pu se porter pour échapper à l’infamie. Car cette vierge était admirable, et saint Luc montre quelle était sa vertu, lorsqu’il dit qu’à la salutation de l’ange, elle ne se livra pas incontinent à la joie, et ne crut pas légèrement ce qu’on lui disait, mais « qu’elle fut troublée, et qu’elle considérait en elle-même quelle pouvait être cette salutation », (Lc. 1,29)
Oui, une vierge si pure et si sainte, eût pu mourir de regret dans la seule vue de l’opprobre dont elle était menacée. En effet à qui eût-elle fait croire que sa grossesse venait d’ailleurs que de l’adultère ? C’est donc pour éviter ce désordre que l’ange vient la trouver avant qu’elle eût conçu Jésus-Christ. Il convenait souverainement que le sein si pur où le Créateur du monde devait s’incarner ne fût altéré par aucun trouble, et que l’âme de celle qui avait été choisie pour avoir tant de part à ce grand mystère, conservât toujours une paix profonde. Ce sont là les raisons pour lesquelles l’ange parle à Marie avant la conception, et à Joseph lorsque la grossesse était déjà avancée.
Quelques personnes peu intelligentes ont dit qu’il y avait ici de la contradiction, parce que saint Luc dit que ce fut à Marie, et saint Matthieu que ce fut à Joseph que l’ange annonça le mystère de l’Incarnation. Mais elles n’ont pas vu que cette révélation fut faite à l’un et à l’autre ; et c’est une règle que nous aurons besoin de garder dans la suite, afin de concilier plusieurs endroits des Évangélistes qui paraissent se combattre. L’ange donc vint trouver Joseph lorsque celui-ci était dans le trouble ; il avait différé de lui parler pour la raison que nous avons dite, et pour faire mieux connaître la grandeur de sa vertu ; mais le mystère allait s’accomplir, et enfin l’ange apparaît : « Joseph », dit l’Évangile, « était dans ces pensées, lorsque l’ange du Seigneur lui apparut en songe. » Considérez la modération de ce saint homme ! non seulement il ne punit point son épouse, mais il ne découvre pas même ses pensées à celle qui lui était si suspecte. Il retenait tous ces mouvements dans son cœur, cachant même à la Vierge tous ses ressentiments et toute sa peine. Car l’évangile ne dit pas qu’il voulut la chasser de son logis, mais la quitter en secret, tant cet homme était doux et modéré. « Lors donc que Joseph était dans ces pensées, l’ange lui apparut en songe. » Pourquoi pas manifestement comme aux pasteurs, à Zacharie et à la Vierge ? C’est parce que Joseph avait beaucoup de foi, et qu’il n’avait aucun besoin d’une révélation plus claire. Pour la Vierge, en raison des grandes choses qu’on avait à lui annoncer, choses beaucoup plus incroyables que tout ce qu’on avait dit à Zacharie, il fallait non seulement la prévenir avant l’accomplissement, mais le faire par une révélation manifeste. Les pasteurs, hommes grossiers, avaient aussi besoin d’une vision très-claire. Mais Joseph, qui avait vu la grossesse de Marie, qui était troublé de soupçons très fâcheux, et tout prêt à changer sa douleur en joie, si quelqu’un lui en donnait l’ouverture, Joseph reçoit de tout son cœur la révélation de l’ange. L’ange attend donc après le soupçon, pour accomplir son message, parce que cette disposition d’esprit devait incliner Joseph à croire plus facilement ce qu’on lui dirait. En effet Joseph n’avait dit ses craintes à personne, il les avait concentrées dans son cœur, et il entendait l’ange lui en parler : n’était-ce pas une preuve indubitable que c’était Dieu qui le lui avait envoyé, Dieu qui seul sonde le fond des cœurs ?
Considérez donc combien cette conduite a été sage, puisqu’elle a servi et à faire voir l’excellence de la vertu de Joseph, à le disposer à la foi par le temps même où cette révélation lui a été faite, et à rendre l’histoire évangélique plus croyable en ce que Joseph passa par tous les sentiments qu’un homme devait nécessairement éprouver en pareille circonstance.
6. Mais comment l’ange le persuade-t-il ? Écoutez et admirez avec quelle sagesse il lui parle : « Joseph, fils de David, ne craignez point de prendre avec vous Marie votre épouse (20). » Il nomme d’abord David de qui le Messie devait naître ; il apaise tout d’un coup ses doutes en le faisant souvenir, par le nom d’un de ses ancêtres, de la promesse que Dieu avait faite à tout le peuple Juif. Du reste il indique pourquoi il l’appelle « fils de David », en ajoutant aussitôt : « Ne craignez point. » Dieu n’agit pas ainsi dans une autre occasion que nous marque l’Écriture. En effet Abimélech entretenant en lui-même des pensées illicites au sujet