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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/410

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reproche ainsi qu’aux autres disciples : « Quoi ! vous avez encore vous-mêmes si peu d’intelligence ? » Peut-être que le peuple qui écoutait ces paroles n’y comprenait rien ; et que les apôtres scandalisés en demandèrent l’éclaircissement comme de la part des scribes ; et qu’après avoir entendu ces grandes menaces : « Toute plante qui n’aura point été plantée par mon Père qui est dans le ciel, sera arrachée : Laissez-les, ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles ; » ces paroles les étonnèrent, et qu’ils demeurèrent dans le silence. Mais saint Pierre toujours plein de feu ne put se taire en cette rencontre. Il s’approcha de Jésus-Christ et lui dit « Expliquez-nous cette parabole. » Et c’est alors que Jésus-Christ leur fit ce reproche : « Quoi ! Vous avez encore vous-mêmes si peu d’intelligence ? » Ce qu’il leur dit pour dissiper cette préoccupation qui les avait scandalisés. Il poursuit encore : « Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans la bouche descend dans le ventre, et est jeté au lieu secret (17) ? Mais ce qui sort de la bouche part du cœur : et c’est ce qui rend l’homme impur (18). Car c’est du cœur que partent les mauvaises pensées, les meurtres ; les adultères, les fornications, les larcins, les faux témoignages, les médisances (19). Ce sont là les choses qui rendent l’homme impur ; mais un homme ne devient point impur pour manger sans avoir lavé ses mains (20). »
Remarquez, mes frères, avec quelle force Jésus-Christ leur parle. Il se sert pour les guérir d’une comparaison naturelle, lorsqu’il leur dit : « Descend dans le ventre et est jeté ensuite « dans le lieu secret. » Il se proportionne ainsi à leur faiblesse. Car il dit que la nourriture que l’on prend ne demeure pas, mais qu’elle est rejetée, quoique, quand même elle demeurerait dans l’homme, elle ne le rendrait pas impur. Mais ils n’étaient pas encore capables de supporter cette parole. Il semble que Jésus-Christ leur dise : Moïse ne dit rien des viandes pendant qu’elles demeurent dans le corps, mais quand elles en sortent ; c’est alors qu’il commande qu’on lave ses habits sur le soir, et qu’on soit pur, marquant ainsi le temps que le corps se purge lui-même. Mais ce qui entre au contraire dans le cœur, y demeure, et rend l’homme aussi impur lorsqu’il en sort, que lorsqu’il y demeurait.
Jésus-Christ met en premier lieu les pensées mauvaises », parce que les Juifs y étaient sujets ; et sans les accuser encore des crimes effectifs qui passent dans l’action extérieure, il fait voir seulement qu’au lieu que les viandes impures sortent du corps, les pensées mauvaises demeurent au contraire dans le cœur. Ce qui n’entre qu’extérieurement en nous en est rejeté de même ; mais ce qui naît au dedans de nous, nous souille lorsqu’il y demeure, et encore plus lorsqu’il en sort. Il leur parle de la sorte, parce qu’ils étaient incapables, comme je l’ai déjà dit, de comprendre cette haute vérité exprimée sans ménagement et dans toute sa pureté.
Saint Marc rapporte qu’il disait ceci pour montrer que toutes les viandes étaient pures. Cependant il ne dit point clairement qu’un homme ne devenait pas impur pour manger des viandes défendues. Cette parole eût été trop forte pour eux : C’est pourquoi il change son discours et dit : « Un homme ne devient point impur pour manger sans avoir lavé ses « mains. »
Apprenons donc, mes frères, quelles sont les choses qui rendent les hommes vraiment impurs : mais apprenons-les pour les détester. Nous voyons assez de personnes qui ont soin d’avoir des habits propres et de laver leurs mains, lorsqu’ils viennent à l’église, mais ils n’ont pas le même soin d’y offrir à Dieu une âme pure. Je ne dis point ceci pour blâmer ceux qui se lavent les mains ou la bouche, lorsqu’ils viennent dans nos églises ; mais pour les exhorter à se purifier comme Dieu nous le commande, non par l’eau, mais par les vertus et la sainteté de la vie. Les médisances, les calomnies, les blasphèmes, les paroles de colère, ou de raillerie, ou de dissolution, et celles qui sont déshonnêtes, sont comme des ordures qui souillent la bouche. Si votre conscience vous rend témoignage que vous n’êtes point tombé dans ces dérèglements de langue, entrez avec confiance dans l’église. Mais si vous vous y êtes laissé aller, pourquoi travaillez-vous inutilement à laver votre bouche avec l’eau, lorsque vous négligez de la purger de tant d’ordures ? Si vous aviez les mains pleines de boue, oseriez-vous les lever au ciel pour prier ? Vous rougiriez de le faire en cet état, quoi qu’il n’y eût en cela aucun mal : et vous ne craignez pas de prier, lorsque vos mains sont pleines de sang et de crimes ? Comment Êtes-vous si scrupuleux dans des choses indifférentes ;