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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/42

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de la femme d’Abraham, Dieu lui parla d’une manière terrible et menaçante, quoique ce prince eût agi par ignorance et qu’il ne sût pas que Sara était la femme d’Abraham. Dieu parle ici plus doucement, mais aussi quelle différence entre les choses qui se passaient dans l’un et l’autre cas, entre la disposition de Joseph et celle d’Abimélech ! Celle de Joseph ne comportait aucunement la réprimande.
Ces paroles, « ne craignez point », marquent qu’il craignait d’offenser Dieu en retenant auprès de lui une adultère, et que sans cela il n’eût jamais pensé à la quitter.
Je le répète, en entretenant Joseph de ses plus secrètes pensées, de ses sentiments les plus intimes, l’ange veut prouver, et il prouve suffisamment qu’il vient de la part de Dieu. Mais quand il a dit : « Ne craignez point de « prendre avec vous Marie », pourquoi ajoute-t-il « votre épouse ? » C’est pour justifier la Vierge par un seul mot, car il ne donnerait pas ce titre à une adultère. Ce mot d’épouse ici veut dire fiancée, comme l’Écriture appelle gendres ceux qui ne sont encore qu’à la veille de le devenir. Et ce mot « prenez Marie », que veut-il dire ? Rien, sinon que Joseph garde Marie dans sa maison ; car il avait déjà résolu de la quitter. Retenez, lui dit l’ange, votre épouse que vous méditez de quitter, puisque c’est Dieu même qui vous la donne, et non ses parents. Il vous la donne non pour l’usage ordinaire du mariage, mais seulement pour demeurer avec vous, et il l’unit avec vous par moi qui vous parle.
Jésus-Christ confie sa mère à Joseph, comme il la recommandera plus tard à son disciple, L’ange ne touche qu’obscurément ce qui se passait, et sans parler à Joseph du soupçon qu’il avait formé, il le détruit d’une manière bien plus noble et bien plus avantageuse, et il tire le saint homme de toutes ses craintes en lui expliquant le secret de cette conception, et en lui montrant que ce qui lui faisait craindre de retenir Marie, et ce qui le portait à la quitter, devait au contraire le porter, étant juste comme il était, à la garder avec lui. non seulement, lui dit-il, elle n’a rien fait contre la loi de Dieu, mais elle a conçu même d’une manière qui est élevée au-dessus des lois de la nature. Quittez donc toutes ces frayeurs, et entrez dans des transports de joie. « Car ce qui est né en elle, est du Saint-Esprit (20). » Paroles certes tout à fait surprenantes, et qui surpassent toutes les pensées des hommes, et toute la puissance de la nature ! Comment donc un homme qui n’a jamais rien ouï de pareil, peut-il croire cette vérité ? C’est parce que l’ange lui avait découvert tout ce qui était caché dans le fond de son cœur, tout ce qu’il souffrait, tout ce qu’il craignait, et tout ce qu’il était résolu de faire ; oui, cette connaissance si extraordinaire et si divine que l’ange avait des plus secrètes pensées de Joseph contraignit celui-ci à croire. L’ange aussi ne se sert pas seulement du passé pour le rassurer, mais encore de l’avenir. « Elle enfantera un fils », lui dit-il, « à qui vous donnerez le nom de Jésus (21). » Car bien que cet enfant soit conçu du Saint-Esprit, ne croyez pas néanmoins que vous soyez dispensé d’en prendre soin, et de le servir en toutes choses. Quoique voussoyez étranger à sa naissance, et que Marie soit toujours demeurée parfaitement vierge, je vous donne néanmoins à l’égard de cet enfant la qualité de père en tout ce qui ne blessera point celle de vierge, et je vous laisse le pouvoir de le nommer. Ce sera vous qui lui donnerez son nom ; et quoiqu’il ne soit pas votre fils, vous, ne laisserez pas d’avoir pour lui l’affection et le soin d’un père. C’est pour cette raison que je vous permets de le nommer vous-même, afin de vous unir d’abord très étroitement avec cet enfant.
Mais pour empêcher que cela ne fît croire que Joseph était véritablement son père, voyez ce qui suit, et avec quelle exactitude l’ange lui parle : « Elle enfantera », dit-il. Il ne dit pas qu’elle enfanterait pour lui, mais il dit indéterminément qu’elle enfantera parce qu’elle n’a pas enfanté Jésus-Christ pour Joseph seul, mais pour tous les hommes.
7. C’est pour la même raison que l’ange apporte du ciel à Joseph le nom qu’il faudra donner à l’enfant ; il montre ainsi combien admirable devait être Celui que Dieu lui-même prenait le soin de nommer. Et le nom qu’il lui donne n’est pas un nom ordinaire, mais c’est un nom qui renferme comme dans un trésor la somme de tous les biens. C’est pourquoi l’ange l’interprète, pour exciter encore la foi de Joseph par l’espérance des grands biens qu’il lui promet. Car l’homme se porte naturellement à ce qui lui plaît, et il croit aisément ce qu’il désire.
Après donc que l’ange pour persuader Joseph,