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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/411

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et si indifférents lorsque vous devriez être scrupuleux ?
5. Vous me direz : Quoi ! Ne faut-il donc point prier ? il faut prier, mais il ne le faut pas faire avec une âme impure. Mais si je me trouve surpris, dites-vous, et que je sente dans moi ces impuretés dont vous parler ? Tâchez de vous en purifier. Comment le ferai-je ? dites-vous. Gémissez, pleurez, donnez l’aumône ; donnez satisfaction à ceux que vous avez offensés. Servez-vous de tous ces moyens pour rentrer en grâce avec Dieu, et pour ne l’aigrir pas davantage par des prières impures. Si quelqu’un venait se prosterner devant vous, et vous embrasser les pieds avec des mains pleines d’ordures, n’est-il pas vrai qu’au lieu d’écouter ses prières, vous le rejetteriez avec horreur ? Pourquoi traitez-vous Dieu plus indignement que vous ne traiteriez un homme ? La langue n’est-elle pas comme la main de ceux qui prient, et avec laquelle nous tâchons comme d’embrasser les genoux de Dieu ? Ne la souillez donc point par l’impureté des vices, afin que Dieu ne vous dise pas ce qu’il dit aux Juifs par son prophète Isaïe : « Quand vous multiplieriez vos oraisons, je ne vous écouterai pas. (Is. 1,15) Car la vie et la mort sont dans la main de la langue (Prov. 16,21), selon le langage de l’Écriture. « Et vous serez justifié ou condamné par vos paroles. » (Mt. 12,39) Conservez donc votre âme avec plus de soin que vous ne gardez la prunelle de vos yeux. Nos langues ressemblent à ces excellents chevaux qu’on destine au service du prince. Si nous leur donnons un frein pour les dompter et pour les dresser, le prince les montera et y trouvera ses délices, mais si nous leur laissons suivre leur impétuosité naturelle, elles ne seront propres qu’au service des démons et du prince des ténèbres.
Vous n’osez venir ici prier Dieu après l’usage d’un légitime mariage, encore qu’en cela vous ne commettiez aucun péché ; et vous avez la hardiesse d’élever vos mains au ciel après être tombés dans de noires médisances, et dans des calomnies qui vous font mériter l’enfer ?
Comment ne tremblez-vous pas de crainte ? N’entendez-vous pas saint Paul qui vous dit « que, le lit est pur, et que le mariage est honorable ? » (Héb. 13,4) Que si vous n’osez néanmoins, en portant de ce lit pur et de cette bouche honorable, lever vos mains vers Dieu comment, en sortant du lit des démons, oserez-vous prononcer ce nom adorable qui est également saint et terrible ? Car le démon se plaît dans les médisances et dans les outrages. C’est comme un lit délicieux où il trouve son repos. La fureur est comme un adultère qui vient corrompre la pureté de notre couche. Elle se mêle à notre âme, avec un plaisir secret. Elle la rend malheureusement féconde, et lui fait enfanter des haines et des inimitiés diaboliques. Elle fait le contraire du mariage. Le mariage ne fait de deux qu’une chair, et la colère divise ceux que l’amour unissait ensemble, et sépare même l’âme, et la divise d’avec elle-même.
Si vous voulez donc vous approcher de Dieu avec pureté et avec confiance ne souffrez pas que cette adultère, je veux dire que la colère approche de vous. Chassez-la comme un chien furieux. C’est ce que saint Paul nous commande : « Levez au ciel », dit-il, « vos mains pures et saintes sans colère et sans dispute. » (1Tim. 2,7)
Ne souffrez donc point que votre langue devienne impure. Comment pourrait-elle prier pour vous, si elle avait perdu la liberté que lui donnait son innocence ? Ornez-la plutôt par votre humilité, par votre douceur et par volte modestie. Rendez-la digne de parler au Dieu qu’elle invoque. Qu’elle se répande en bénédictions et en actions de grâces. Enfin, occupez-la aux actions de charité et de miséricorde. Car on peut, mes chers frères, pratiquer la charité par ses paroles : « Une parole », dit le Sage, « vaut mieux qu’un don, et répondez aux pauvres des paroles de paix avec douceur. » (Sir. 4,7) Que votre langue soit en tout temps armée des paroles sacrées de l’Écriture, et que, selon le même Sage ; « tous vos discours et tous vos entretiens soient dans la loi du Très-Haut. » (Sir. 9,25)
Quand nous nous serons ainsi ornés, approchons-nous de notre Roi. Prosternons-nous à ses pieds, non seulement de corps, mais encore de l’âme. Souvenons-nous quel est Celui devant qui nous nous présentons ; pour quel sujet nous y venons, et ce que nous prétendons. Nous nous approchons d’un Dieu devant qui les séraphins tremblent, que les chérubins n’osent regarder ; devant qui ils sont contraints de voiler leur face, parce qu’ils ne peuvent supporter l’éclat de ce visage adorable. Nous nous approchons d’un Dieu qui habite