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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/43

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s’est servi du présent, du passé et de l’avenir, et de la gloire infinie de l’enfant qu’il lui prédit, il scelle tout ce qu’il a dit par le témoignage des prophètes. Mais il le fait précéder de l’annonce des grands biens que cette naissance devait apporter au monde. Et quels sont ces grands biens ? C’est la réconciliation des hommes avec Dieu, et la destruction du péché. « Parce que ce sera lui », dit-il, « qui sauvera son peuple de leurs péchés (22). » Cette grâce qu’il promet est une grâce bien nouvelle. Il ne promet point d’apaiser les guerres, et de défaire les barbares et les ennemis visibles, il promet de détruire et de guérir le péché, dont la plaie a toujours été incurable à tous les hommes.
Mais, dites-vous, pourquoi ce mot, « son peuple ? » Que n’étend-il cette grâce à toutes les nations ? C’était afin de ne point causer un étonnement trop fort ; du reste ce terme, si l’on y prend bien garde, comprend aussi toutes les nations de la terre. Car ce ne sont pas les Juifs seuls qui sont le peuple de Jésus-Christ, mais tous ceux qui viennent à lui, et qui connaissent son nom. Remarquez encore comment l’ange présage la grandeur de Jésus-Christ en disant « qu’il sauvera son peuple de leurs péchés. » C’était déclarer on ne peut plus expressément que l’enfant dont il parle, n’est point un roi de la terre, mais un Roi du ciel, et qu’il est le Fils de Dieu, puisqu’il n’appartient qu’à Dieu de remettre les péchés.
Puis donc que Dieu nous a comblés de tant de grâces, vivons de telle sotte que nous ne déshonorions pas un si grand don. Car si même avant que d’avoir reçu une faveur si ineffable nous méritions d’être punis pour nos péchés, combien le mériterons-nous davantage après l’avoir reçue ? Je ne vous dis point ceci sans sujet. Je vous le dis, parce que j’en vois plusieurs qui vivent d’une manière plus relâchée après le baptême que ceux même qui ne l’ont point reçu, et qui ne font voir par aucune marque qu’ils sont chrétiens. On ne peut distinguer aujourd’hui ni dans les assemblées publiques ni dans l’Église même celui qui est fidèle d’avec celui qui ne l’est pas. Tout ce qui les distingue l’un de l’autre, c’est que lorsqu’on est près de célébrer les saints mystères, les uns sont chassés du temple, et que les autres y demeurent. Cependant ce ne devrait point être le lieu, mais la vie de chacun qui fît remarquer quel il est.
Les dignités du monde se font reconnaître par des marques extérieures : mais les signes de ce que nous sommes, nous chrétiens, doivent venir de l’âme et du fond du cœur. Un fidèle doit faire voir ce qu’il est, non par la seule participation des choses saintes, mais par la sainteté et par le renouvellement de sa vie. Il faut qu’un chrétien, selon l’Évangile, soit la lumière et le sel du monde. Si donc vous ne vous éclairez pas vous-même, et si vous n’empêchez pas votre propre corruption, à quoi pourrai-je juger que vous êtes un chrétien ? Sera-ce parce que vous avez été régénéré dans les eaux sacrées du baptême ? C’est ce qui vous rend encore plus coupable. Car plus ce qu’on a reçu est excellent, plus il attire de supplices sur celui dont la vie ne répond pas à la dignité d’un si grand don. Il faut qu’un chrétien montre ce qu’il est, non seulement parce qu’il n reçu de Dieu, mais encore parce qu’il offre lui-même à Dieu. Il faut que sa vertu éclate au-dehors par sa démarche, par ses regards, par sa contenance, par ses paroles.
Je vous dis ceci afin que nous soyons réglés en toutes choses, non pour plaire aux hommes, mais pour les édifier. Mais lorsque je cherche en vous des marques de ce que vous êtes, j’en trouve de toutes contraires. Si j’en juge par le lieu, je vous vois passer les jours dans les spectacles, dans le cirque, dans le théâtre, dans les assemblées publiques, et dans la compagnie de personnes toutes corrompues. Si je considère votre extérieur, je vois des ris immodérés, et des effusions de joie semblables à celles des femmes perdues. Que si je m’arrête à vos habits, je ne puis les discerner d’avec les habits des comédiens. Si je juge de vous par ceux qui vous suivent, je ne vois que des flatteurs et des gens de bonne chère. Si j’examine vos paroles, je n’y vois rien d’utile, rien de sérieux, ni rien qui ressente ce que nous sommes. Enfin si j’en juge par votre table, c’est encore où je trouve plus de sujet de vous accuser.
8. Que me reste-t-il donc pour reconnaître que vous êtes chrétiens, puisque tout ce qui paraît en vous publie le contraire ? Mais que dis-je, si vous êtes chrétiens ? Je ne puis même juger si vous êtes hommes ? Car lorsque vous êtes, pour user des expressions de l’Écriture, récalcitrants comme les ânes ; que vous folâtrez comme les jeunes taureaux ; que vous courez après les femmes, comme les chevaux