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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/430

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au-dessus de la puissance des hommes, le regardait comme quelque grand homme ressuscité d’entre les morts, selon ce qu’Hérode disait lui-même ; mais il n’allait pas plus loin. Jésus-Christ donc voulait retirer ses apôtres de ces pensées populaires. C’est pour ce sujet qu’il leur dit : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » c’est-à-dire, vous qui êtes continuellement avec moi, qui me voyez faire un si grand nombre de miracles, qui en avez fait vous-mêmes en mon nom, « qui dites-vous que je suis ? »
Que fait ici saint Pierre qui est comme la bouche de tous les apôtres, le prince et le chef de cette troupe sacrée, et qui témoigne partout tant de zèle pour le Sauveur ? Quoique Jésus-Christ leur eût fait cette demande en commun, il répond lui seul. Quand le Fils de Dieu s’informait seulement quelle pensée le peuple avait de lui, ils répondent tous également à cette demande ; mais lorsqu’il veut savoir quel était leur sentiment particulier, saint Pierre prévient tous les autres. « Simon Pierre prenant la parole, lui dit : Vous êtes le Christ Fils du Dieu vivant (16). A quoi Jésus-Christ répond : « Vous êtes bienheureux, Simon, fils de Jean parce que ce n’est point la chair ni le sang qui vous ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans le ciel (17). » Ces paroles du Sauveur nous font voir que si saint Pierre ne l’eût reconnu pour le vrai Fils de Dieu, et né de sa propre substance, cette confession n’eût point été l’effet d’une révélation divine, ni digne de rendre « heureux » celui qui l’avait faite.
Nous avons déjà vu que les apôtres lui avaient dit dans le vaisseau, après cette tempête qu’il avait si miraculeusement calmée « Vous êtes véritablement Fils de Dieu », sans que Jésus-Christ néanmoins les eût appelés « heureux », comme il appelle ici saint Pierre ; parce que, bien qu’ils eussent dit la vérité, ils ne confessaient pas néanmoins aussi pleinement qu’il était le Fils unique de Dieu que saint Pierre le fait ici. Ils ne lui attribuaient qu’une sorte de filiation qu’il partageait avec beaucoup d’autres, et quoiqu’ils le regardassent comme le plus cher et comme le premier-né de tous, ils ne croyaient pas cependant, comme fait ici saint Pierre, qu’il fût né de la propre substance de son Père, et qu’il en fût le Fils de cette manière unique et incommunicable tout autre.
2. Nous voyons que Nathanaël dit aussi à Jésus-Christ : « Maître, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le roi d’Israël » (Jn. 1, 49) ; » et Jésus-Christ cependant est si éloigné de l’appeler « heureux », qu’il le reprend au contraire comme ayant des sentiments trop bas de lui : car il lui dit aussitôt : « Vous croyez parce que je vous ai dit que je vous ai vu sous le figuier. Vous verrez d’autres choses bien plus grandes. » Jésus-Christ donc appelle ici saint Pierre « heureux » ; parce qu’il a confessé qu’il était le Fils de Dieu de cette manière excellente qui lui est particulière ; et il lui rend ce témoignage qu’il n’avait rendu à nul autre : « Ce n’est point la chair et le sang qui vous a révélé ceci, mais mon Père qui est dans le ciel. »
Il semble que par ces paroles il veuille nous empêcher de croire que, parce que saint Pierre l’aimait ardemment, il voulait flatter son Maître en lui parlant par le mouvement d’une amitié humaine, et d’une complaisance secrète. Il fait voir publiquement quel était celui qui lui avait inspiré cette pensée, et il nous apprend que c’était Pierre qui parlait, mais que c’était le Père éternel qui lui mettait les paroles dans la bouche ; afin que nous reconnussions qu’il ne lui accordait pas une louange humaine par cette confession, mais qu’il proférait au-dehors ce qu’il avait appris de Dieu même.
Pourquoi Jésus-Christ ne leur dit-il pas lui-même clairement qu’il est le Christ ? Pourquoi aime-t-il mieux donner lieu aux autres de reconnaître ce qu’il est, par les demandes qu’il leur fait ? C’est sans doute parce qu’il lui était plus séant d’agir de la sorte, et que cette conduite était plus propre à attirer ses apôtres à la foi, et à leur persuader qu’il était égal à son Père ? Et n’admirez-vous point ici, mes frères, comment le Père révèle son Fils, et comment le Fils révèle réciproquement son Père ? Car Jésus-Christ dit lui-même que « personne ne connaît le Père que le Fils, et celui à qui le Fils le veut révéler. » Il est donc impossible de connaître autrement le Fils que par le Père, ou de connaître le Père que par le Fils : ce qui est encore une preuve manifeste de l’égalité de leur gloire, et nous montre qu’ils sont d’une même substance.
Après que saint Pierre eut rendu ce témoignage au Sauveur, Jésus-Christ lui dit aussitôt « Vous êtes Simon, fils de Jean vous