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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/431

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serez appelé Pierre. » Comme vous avez nommé mon Père, je nomme aussi le vôtre ; et comme vous êtes véritablement « fils de Jean. » Je suis de même véritablement Fils de Dieu le Père. Sans ce sens mystérieux on pourrait croire qu’il aurait été superflu de dire : « Vous êtes le fils de Jean. » Mais comme saint Pierre venait de dire, « vous êtes le Fils de Dieu », Jésus-Christ ajoute aussitôt ces paroles pour nous faire voir qu’il était aussi véritablement le Fils de Dieu, que Simon était « fils de Jean » c’est-à-dire, qu’il était d’une même substance avec son Père. « Et moi aussi je vous dis que vous êtes Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle (18). Sur cette pierre, » dit Jésus-Christ ; « je bâtirai mon Église, » c’est-à-dire, sur cette foi et sur « cette confession. Il montre par ces paroles que beaucoup de monde devait croire un jour en lui. Il relève l’esprit et les pensées de cet apôtre, et il l’établit le pasteur de son Église : « Et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. » S’il est vrai que ces portes ne vaincront point mon Église, combien moins pourront-elles me vaincre et je vous dis ceci, mon apôtre, afin que vous ne soyez point troublé, lorsque vous entendrez dire bientôt que je serai livré pour être crucifié. À cet honneur il en ajoute encore un autre : « Et je vous donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel (19). »

Que veulent dire ces paroles : « Je vous donnerai ? » Comme mon Père vous a donné la grâce de me connaître, « je vous donnerai » aussi ces clefs. Il ne dit point : Je prierai mon Père qu’il vous les donne, quoique la grandeur de ce don fût ineffable, et qu’il fallût être Dieu pour le faire ; mais il dit : « Je vous donnerai. » Quel est ce don qu’il lui fait : « Je vous donnerai », dit-il, « les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que vous délierez sur la terre sera aussi délié dans le ciel. »

Comment pouvons-nous expliquer que celui qui dit : « Je vous donnerai », témoigne ailleurs que ce « n’est pas à lui de donner à personne le droit de s’asseoir à sa droite ou à sa gauche ? » Considérez comment il porte cet apôtre à avoir des sentiments dignes de sa divinité ; comment il se découvre à lui, et lui déclare qu’il est le Fils de Dieu par ces deux promesses qu’il lui fait. Car il lui promet deux choses qui ne peuvent être le don que d’un Dieu, l’une de remettre les péchés, et l’autre de rendre son Église immobile au milieu des assauts de tant d’orages, et de faire voir dans un simple pêcheur une fermeté plus solide que n’est celle de la « pierre », lorsque tout le monde se soulèverait contre lui, et lui déclarerait une guerre ouverte.

Jésus-Christ traite ici saint Pierre comme son Père avait traité Jérémie, lorsqu’il lui dit : « Qu’il le rendrait comme une colonne de fer, et comme un mur d’airain (Jer. 1,47) ». Il y a cette différence, que l’un n’était exposé qu’aux attaques d’un seul peuple ; et que l’autre était destiné à combattre tous les peuples de la terre.

Je demande ici à ceux qui s’efforcent de diminuer la dignité du Fils de Dieu, lequel de ces deux dons est le plus grand ; ou celui que le Père fait à saint Pierre, ou celui que lui fait le Fils. Le Père lui fait connaître son Fils, et le Fils lui donne le pouvoir de révéler le Père et le Fils, et d’en donner la connaissance à toute la terre. Lorsqu’il lui donne ces « clefs » célestes, il rend un homme mortel maître de tout ce qui est dans les cieux. Il fait qu’il répand la foi et qu’il étend l’Église par tout le monde, avec une fermeté plus immobile et plus inébranlable que n’est le ciel même, « puisque le ciel et la terre passeront, et que les paroles de Jésus-Christ ne passeront pas (Mt. 24,25) » Comment donc le Fils serait-il inférieur à son Père, puisqu’il fait de si grands dons aux hommes ?

3. Je ne dis pas ceci, mes frères, pour séparer les ouvrages du Père d’avec ceux du Fils, « puisque toutes choses ont été faites par le Verbe, et que rien n’a été fait sans lui. » (Jn. 1,4) Je prétends seulement fermer la bouche à ces personnes insolentes et téméraires, qui ont la hardiesse de proférer de tels blasphèmes. Mais remarquez partout avec quelle autorité Jésus-Christ parle en ce lieu « Je vous dis, moi, que vous êtes Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église. Je vous donnerai les clefs du royaume des cieux. » Après leur avoir dit ces paroles il leur commanda de ne le découvrir à personne.