Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/432

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« En même temps il commanda à ses disciples de ne dire à personne qu’il fût le Christ (20). » Il leur faisait cette défense afin que, lorsque tout ce qui scandalisait les hommes serait passé, que le mystère de sa croix serait accompli, et qu’il ne resterait plus rien qui pût surprendre ou troubler les esprits, et apporter quelque obstacle à leur foi, il fût plus facile aux apôtres d’imprimer dans les esprits des hommes des pensées dignes du Sauveur. Car jusque-là sa puissance souveraine n’avait pas éclaté bien visiblement, C’est pourquoi il voulait que, ses disciples se réservassent de publier sa gloire, lorsque la vérité des mystères du Fils de Dieu serait plus connue, et que les miracles que feraient les apôtres autoriseraient leur prédication, et donneraient du poids à leurs paroles.

Car il y avait bien de la différence entre voir Jésus-Christ dans la Judée, tantôt faire des miracles, et tantôt souffrir des injures et des outrages, principalement lorsque tous ces miracles devaient enfin se terminer à la mort infâme de la croix ; ou le voir au contraire adoré par toute la terre, confessé partout avec une foi généreuse, et élevé pour jamais au-dessus de toutes ces souffrances, auxquelles il s’était soumis pour nous. C’est pour cette raison qu’il commande aux apôtres de ne point dire encore qu’il fût le Christ. Quand on arrache de la terre l’arbre qui commençait d’y prendre racine, il ne reprend plus racine qu’avec peine : mais lorsqu’une fois bien enraciné dans la terre, il y demeure ferme sans qu’on l’y ébranle, il pousse des branches de toutes parts, et croît toujours de plus en plus.

Si les apôtres, après avoir vu faire tant de miracles au Sauveur, et avoir eu part à ses plus secrets mystères, ne laissent pas de se scandaliser au seul nom de la croix, et lorsque Jésus-Christ leur prédit ce qui lui devait arriver ; si non seulement le commun d’entre eux, mais leur prince même, et leur chef en est plus frappé que les autres ; jugez dans quel scandale et dans quel trouble eût pu tomber le reste du monde, lorsque d’un côté on leur eût dit que Jésus-Christ était Fils de Dieu, et qu’ils l’eussent vu de l’autre attaché en croix, et couvert d’ignominies, dont ils n’eussent pas compris le mystère, parce qu’ils n’avaient pas encore reçu le don du Saint-Esprit. Si Jésus-Christ dit à ses apôtres mêmes : « J’ai beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne les pouvez pas porter maintenant (Jn. 16,12) ; » combien plus ce peuple faible eût-il été incapable de les porter, et comment n’eût-il pas succombé sous le poids du plus auguste et du plus impénétrable de nos mystères ?

C’est donc pour cette raison que Jésus-Christ défend ici à ses apôtres de publier qu’il fût le Christ. Et pour vous faire mieux voir quel avantage il y avait pour les hommes de n’apprendre ce mystère qu’après que le scandale en serait passé, et qu’ils n’en verraient plus que la profonde sagesse et l’utilité infinie, il ne faut que considérer ce qui arrive à saint Pierre. Car, après avoir témoigné tant de faiblesse à la passion de son maître, jusqu’à le renoncer trois fois par la crainte d’une servante ; il parut si courageux dans la suite, lorsque le mystère de la croix fut accompli, et qu’il eut vu des preuves indubitables de la résurrection du Sauveur, que rien ne put à l’avenir lui être un sujet de scandale, ni ébranler dans son cœur ce que le Saint-Esprit lui avait appris. Il se lança au contraire comme un lion intrépide au milieu des Juifs ; il vit sans pâlir les dangers qui l’environnaient de toutes parts, et enfin il méprisa la mort qui le menaçait toujours. C’était donc avec grande raison que Jésus-Christ défendait ici aux apôtres de déclarer ce mystère aux hommes, puisqu’il usait même de réserve envers les apôtres, et qu’il leur disait : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne les pouvez pas porter maintenant. » Aussi il ne faut pas douter que les apôtres n’aient ignoré beaucoup de choses que Jésus-Christ leur avait dites avant sa mort sans les expliquer, et qu’ils n’ont comprises ensuite qu’après sa résurrection. Et si Jésus-Christ traitait avec cette réserve ceux qui devaient être les maîtres et les docteurs de toute la terre, n’était-il pas juste d’user de cette conduite à l’égard du simple peuple ? « Dès lors Jésus commença à découvrir à ses disciples, qu’il fallait qu’il allât à Jérusalem, et qu’il y souffrît beaucoup de la part des sénateurs, des princes des prêtres et des docteurs de la loi, qu’il y fût mis à mort, et qu’il ressuscitât le troisième jour (21). » Quand dès lors ? Quand il eut bien imprimé cette vérité dans leurs esprits, qu’il était véritablement le Fils de Dieu ; et qu’en leur promettant de bâtir son Église sur la pierre, il leur eut