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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/444

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reconnaissant les grands avantages qu’elle renferme, nous l’ayons continuellement dans le cœur, lorsque nous serons à table. Réprimons ainsi les désirs déréglés de notre concupiscence. Imitons la conduite de ces anges visibles, et réglons nos maisons d’après le modèle qu’ils nous tracent sur leurs montagnes. Vous devriez aller de vous-mêmes dans ces bienheureuses solitudes voir ces grands exemples de piété, et vous édifier par vous-mêmes de leurs excellentes vertus. Mais puisque vous ne le voulez pas faire ; écoutez-nous au moins, lorsque nous vous en parlons, et lorsque nous vous rapportons ces hymnes admirables, et ces divins cantiques qu’ils offrent à Dieu tous les jours en sortant de table. Que chacun de vous, mes frères, use à l’avenir de ces mêmes actions de grâces. Je vous redis encore une fois cette prière. « Soyez béni, mon Dieu ». Ils obéissent d’abord à cette loi de l’Apôtre qui nous fait ce commandement : « Quoi que vous fassiez, faites tout au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, rendant grâces par lui à Dieu le Père ». (Col. 3,17)
Ils ne rendent pas grâces à Dieu seulement pour le jour présent, ils le font pour toute la vie : « Qui me nourrissez dès mon enfance ». Ces paroles renferment encore une grande instruction ; car, puisque c’est Dieu qui nous nourrit lui-même, tous nos soins ne sont-ils pas superflus ? Si le roi vous avait promis de vous donner tous les jours un plat de sa table, vous mettriez-vous encore en peine de la nourriture ? Combien devez-vous donc bannir de vous tous ces soins, puisque Dieu même se charge de vous donner à manger ? Aussi le dessein de ces saintes âmes, en faisant à Dieu cette prière, est de se persuader à elles-mêmes, et à tous ceux qui veulent se former sur leur manière de vie, qu’ils doivent se décharger entièrement de tous les soins de la nourriture.
Et afin qu’on ne crût pas qu’ils ne rendaient grâces à Dieu que pour leurs personnes seules, ils ajoutent : « Qui donnez à toute chair la nourriture dont elle a besoin ». Ils offrent à Dieu leur reconnaissance pour les grâces qu’il fait à toute la terre. Ils sont comme les pères communs de toute la terre. Ils remercient Dieu des biens qu’il fait en général à tous les hommes. Ils s’accoutument ainsi à les regarder tous comme leurs frères, et à avoir pour eux une charité très-sincère. Car comment pourraient-ils haïr ceux pour qui ils rendent à Dieu de très humbles actions de grâces ? Ainsi ces hymnes sacrés qu’ils récitent en sortant de table, les avertissent de se tenir unis de charité et d’affection avec tous les hommes, et de bannir tout le soin de la nourriture du corps. Car si Dieu « nourrit toute chair », s’il ne refuse pas la nourriture aux plus méchants des hommes, la refuserait-il à ceux qui quittent tout pour s’attacher si étroitement à lui ? s’il ne manque pas à ceux qui craignent toujours que ces secours ne leur manquent, manquera-t-il à ceux qui se sont déchargés sur lui de ces soins ? N’est-ce pas ce que Jésus-Christ tâchait de nous persuader, lorsqu’il disait « que nous étions beaucoup plus considérables que les oiseaux » ? Ne voulait-il pas nous apprendre par ces paroles à ne point mettre notre confiance dans nos richesses et dans les biens de la terre ; puisque ce n’est point là proprement ce qui nous nourrit, mais la parole de Dieu ? On peut voir en passant combien ces saints solitaires ferment la bouche aux Manichéens et aux Valentiniens, puisqu’un Dieu qui « nourrit toute chair », et qui offre si libéralement ses grâces à ceux même qui le blasphèment, ne peut certainement être mauvais. « Remplissez nos cœurs de consolation et de joie ». Croyez-vous, mes frères, que ces saints anachorètes demandent à Dieu par ces paroles qu’il les remplisse d’une joie charnelle et mondaine ? Dieu nous garde de cette pensée ! S’ils aimaient cette joie, ils ne la chercheraient pas dans la solitude des déserts les plus affreux, ni dans les montagnes les plus reculées ; ils ne se seraient pas revêtus d’un sac, et ils ne mèneraient pas là vie que tout le monde sait qu’ils mènent. Ils ne cherchent que cette joie divine qui n’a rien de commun avec celle de la terre ; cette joie des anges, et dont toute la céleste Jérusalem est comblée. Ils ne se contentent pas de la demander simplement, mais ils désirent même d’en jouir avec abondance. Car ils ne disent pas : donnez-nous cette joie ; mais « remplissez-nous de cette joie » ; ou plutôt ils ne disent pas : remplissez-nous-en, mais, « remplissez-en nos cœurs ». Car la principale joie de l’homme est celle qui réjouit son cœur. « Les fruits de l’Esprit », dit saint Paul, « sont la charité, la joie et la paix » : (Gal. 5,22) Et comme c’est le péché qui a fait entrer la tristesse dans le monde, ils prient Dieu que, par cette