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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/456

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souvent la grêle, les brouillards, les eaux et les chaleurs ruinent tout. Mais y a-t-il là autant de périls à craindre que vous en courez par l’usure ? Toutes ces intempéries de l’air ne peuvent au plus que gâter le fruit sans nuire à la terre qui le porte ; au lieu qu’ici on perd très-souvent le fonds, et qu’avant cette perte, on souffre mille inquiétudes. Car l’usurier ne jouit jamais en paix de son bien, Jamais il n’y trouve de repos. Quand on lui apporte de l’argent, il ne considère point ce qu’il a, mais ce qu’il n’a pas ; et quelque grande que soit la rente qu’on lui paie, il s’afflige toujours de ce qu’elle n’égale pas le fonds. C’est pourquoi il ne peut, dans cette impatience avare, se donner le temps d’amasser quelque somme considérable. Il replace cet argent à mesure qu’il le reçoit. Il contraint ces revenus injustes de lui produire d’autres revenus semblables, comme une vipère produit encore d’autres vipères.
Je me sers de cette comparaison, parce que l’usure ronge plus l’âme d-e l’avare qui l’exige, que les vipères ne rongent les entrailles qui leur ont donné la vie. Ce sont là « les liens injustes » dont parlait tantôt le Prophète, « et ces chaînes pesantes » qui accablent ceux qui les portent. Je vous donne, dit l’usurier, non afin que vous jouissiez de ce que je vous donne, mais afin que vous me rendiez plus que je ne vous ai donné. Quoi ! Dieu ne veut pas que vous redemandiez même ce que vous avez donné : « Donnez », dit-il, « à ceux dont vous n’espérez rien recevoir (Lc. 6,40) », et vous exigez plus même que vous ne donnez ? Vous redemandez comme une dette, un argent qui n’est point sorti de vos mains. Croyez-vous augmenter votre bien par un moyen par lequel vous ne vous amassez qu’un trésor de colère et de vengeance ?
Donc, mes frères, pour éviter de tomber sous les coups de la colère de Dieu, et dans ces abîmes de feu, renonçons éternellement à l’usure. Desséchons cette racine empoisonnée qui ne porte que des fruits de mort, et n’aspirons plus qu’à ce gain dont parle saint Paul, qui est le seul gain qui soit grand et légitime, c’est-à-dire : « La piété avec ce qui nous suffit « pour vivre ». (1Tim. 6,6) C’est de ce trésor que nous devons nous enrichir ; afin de passer ici paisiblement notre vie et de jouir ensuite des biens éternels que je vous souhaite, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui, avec le Père et le saint-Esprit, est la gloire, la puissance et l’empire, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.