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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/476

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parce qu’il voit et qu’il entend naturellement : ainsi il embrasserait la vertu sans aucun effort, s’il était naturellement vertueux, – Mais pourquoi Dieu a-t-il fait les hommes mauvais, lorsqu’il pouvait les faire tous bons ? – Mais il ne les a pas faits mauvais. Quelle est donc, dites-vous, la cause du mal ?. Répondez-vous à vous-même sur ce que vous me demandez ; pour moi, il me suffit de montrer qu’il ne vient ni de Dieu ni de la nature.
Il est donc arrivé par hasard, me direz-vous ? Nullement. Il n’a donc point de principe ? Dieu nous garde d’une pensée si déraisonnable et si aveugle qui nous fait rendre au péché le plus grand honneur que nous puissions rendre à Dieu. Si le mal était, comme est Dieu, sans principe et sans cause, il serait si puissant que rien ne le pourrait détruire et il ne pourrait cesser d’être mal, puisque ce qui n’a point de principe n’est sujet ni à la corruption ni au changement. Que si le mal était si puissant, comment y aurait-il tant de personnes vertueuses ? Comment la fragilité humaine pourrait-elle s’élever au-dessus d’un être incréé et immortel ?
3. Vous me direz peut-être que c’est Dieu même qui affaiblit dans nous la force du mal. Mais comment, d’après votre supposition, le pourrait-il faire ? comment pourrait-il détruire un être éternel comme lui et une puissance aussi grande et aussi forte que la sienne ? O malice effroyable du démon ! Il a déshonoré Dieu sous prétexte de l’honorer et il a couvert une impiété détestable sous le voile de la piété. Dire que le péché vient de Dieu, ce serait un blasphème. Pour détourner donc les hommes de cet abîme, il les précipite dans un autre, en leur enseignant que le mal est un être sans principe et incréé comme Dieu.
Mais d’où vient donc le péché, dites-vous ? Il vient de ce qu’on veut ou de ce qu’on ne veut pas. Et si vous demandez encore d’où vient qu’on veut ou qu’on ne veut pas, je vous réponds que cela vient tout de nous. Vous faites la même chose par toutes vos questions, que si après m’avoir demandé pourquoi nous voyons ou nous ne voyons pas, et après que je vous aurais répondu que c’est parce que nous ouvrons, ou que nous fermons les yeux ; vous me demandiez encore d’où vient que nous ouvrons ou que nous fermons les yeux ; et qu’après que je vous aurais dit que cela vient de ce que nous voulons ou nous ne voulons pas faire ces actions, vous m’en demandiez encore une autre cause. Il n’y a point d’autre mal au monde que de ne vouloir pas obéir à Dieu. – Où les hommes, me direz-vous, ont-ils pu trouver ce mal ? Croyez-vous qu’il ait été fort difficile à trouver ? Non, me direz-vous. Mais d’où vient que l’homme n’a pas voulu obéir à Dieu ? Parce qu’il a été lâche et négligent. Car, étant libre de vouloir ou de ne vouloir pas obéir, il a mieux aimé n’obéir point.
Que si cette réponse ne vous satisfait pas encore et vous laisse quelque obscurité, je ne vous ferai plus qu’une demande. Elle ne sera pas même fort embrouillée, comme toutes celles que vous me faites : elle sera simple et claire. N’avez-vous jamais éprouvé en vous du changement en bien et en mal ? Peut-être que vous avez vaincu d’abord une passion, et qu’ensuite vous y avez succombé. Peut-être au contraire que vous avez été d’abord sujet au vin, et que depuis vous n’y avez plus été sujet. Vous avez été colère, et vous avez cessé de l’être. Vous avez méprisé le pauvre, et depuis vous ne l’avez plus méprisé. Vous avez été sujet à des vices honteux, et depuis vous êtes devenu chaste. Je vous demande comment ces changements se sont faits en vous ?
Si vous ne me répondez point, je le fais pour vous, et je vous dirai que vous êtes passé du vice à la vertu, parce que vous vous êtes fait à vous-même une sainte violence, et que vous êtes après retombé de la vertu dans le vice, parce que vous vous êtes laissé abattre par la paresse. Je ne parle point ici à ces pécheurs désespérés qui se sont plongés tout entiers dans le vice, qui sont devenus comme insensibles par un long endurcissement, et qui ne veulent pas même entendre parler des moyens de se retirer d’un état si malheureux. Je ne parle qu’à ceux qui, ayant autrefois vécu dans le crime, vivent maintenant dans la piété. C’est à ces personnes que je prendrai plaisir de parler ici. Vous avez donc autrefois ravi le bien de vos frères, mais vous vous êtes convertis ensuite, et vous avez donné même votre bien aux pauvres. Comment s’est fait en vous ce grand changement ? N’est-ce pas par vous-même et par votre propre volonté ? Achevez donc, je vous en conjure, ce que vous avez si bien commencé. Appliquez-vous fermement à faire le bien, et vous ne vous mettrez plus en peine de toutes ces questions inutiles.
Si nous voulons, le mal ne sera qu’un nom