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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/499

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comme nous avons vu alors qu’après qu’il eut ainsi renvoyé les Juifs tout confus, les apôtres tout troublés vinrent avec saint Pierre dire à leur Maître : « Expliquez-nous cette parabole », ils viennent encore de même ici dans le même trouble lui dire : « Si la condition d’un homme est telle a l’égard de sa femme, il n’est pas avantageux de se marier (10) ». Ils regardaient comme un joug insupportable une loi qui les obligeait de retenir une femme quelque fâcheuse qu’elle fût, et de garder dans leur maison un esprit inquiet et violent, comme un serpent qui nous ronge les entrailles.
3. Et jour faire voir que ce trouble les avait étrangement frappés, saint Marc dit clairement qu’ils vinrent trouver Jésus-Christ « en particulier », et lui dirent : « Si la condition d’un homme est telle à l’égard de sa femme (Mc. 10,10) » ; c’est-à-dire, s’ils sont liés de telle sorte qu’ils deviennent une même chair, et que quand le mari aurait de très-justes sujets de répudier sa femme, il ne le pourrait faire sans péché, « il ne lui est pas avantageux de se marier », il lui est plus aisé de combattre contre lui-même et contre la concupiscence de la nature que de souffrir l’importunité d’une femme de mauvaise humeur. Jésus-Christ ne leur dit point que cette conséquence était vraie, de peur qu’ils ne crussent qu’il leur proposait 1e célibat comme une loi et un précepte, mais il dit seulement : « Tout le monde n’est pas capable de cela, mais ceux-là seulement qui en ont reçu le don (11) » ; relevant ainsi le célibat, et montrant que c’était une grande chose ; afin que les louanges qu’il lui donnait y attirassent à l’avenir ses disciples. Mais considérez ici une contrariété apparente qui se trouve entre les paroles de Jésus-Christ et celles des apôtres. Jésus-Christ dit que c’est une grande chose que le célibat, et un don qui n’est pas commun, et les apôtres au contraire le regardent comme une chose facile, en disant qu’il valait mieux le garder que de s’exposer à demeurer toute sa vie avec une femme de mauvaise humeur. C’est sans doute par une grande sagesse de Dieu qu’on peut remarquer dans l’Évangile cette diversité de sentiments : Jésus-Christ dit d’une part que c’est une grande chose de ne point se marier, afin de rendre plus vigilants et plus courageux ceux qui voudraient aspirer à cet état ; et les apôtres disent que le célibat est plus à souhaiter que le mariage, afin d’inviter par cette facilité à embrasser une profession si sainte.
Comme plusieurs n’auraient pu souffrir qu’on les exhortât à demeurer toujours vierges, le Fils de Dieu se contente de proposer la loi indispensable de ne point rompre les mariages, afin que cette nécessité seule déterminât à une virginité perpétuelle ceux sur qui l’amour de cette vertu n’aurait pas eu assez vie force. Mais pour montrer ensuite la facilité de cet état, Jésus-Christ ajoute : « Il y a des eunuques qui sont nés tels dès le ventre de leur mère ; il y en a que les hommes ont rendus eunuques ; et il y en a qui se sont faits eunuques eux-mêmes pour gagner le royaume des cieux (12) ». Tout ce discours tend secrètement à porter les hommes à choisir l’état du célibat, par la facilité qu’il leur y fait voir. C’est comme s’il leur disait :
Représentez-vous, ou que la nature même vous a obligés de le garder, comme elle y oblige quelques-uns, et qu’elle vous a mis dans l’impuissance de vous marier ; ou que la violence des hommes vous a réduits dans cette nécessité. Que feriez-vous alors en ces états où vous seriez privés du mariage, sans en pouvoir espérer de récompense ? Rendez donc grâces à Dieu de ce que vous pouvez être si glorieusement récompensés d’un état dont les autres ne doivent attendre aucun avantage, et qui vous doit être même beaucoup plus aisé et plus doux qu’à eux : puisque, outre la récompense que vous attendez, vous avez la joie de faire en cela une action sainte, et que vous n’êtes pas si exposés aux tentations que le sont les autres. Car ce n’est pas tant la disposition du corps que celle de l’esprit qui nous préserve de ce mal ; ou plutôt c’est l’esprit seul qui se rend maître du corps. C’est donc pour cette raison que Jésus-Christ propose ici ces « eunuques » par nécessité ; il les compare avec ceux « qui se sont faits eunuques pour le ciel », afin que l’état de ceux-ci paraisse beaucoup plus doux que celui des autres ; et, s’il n’avait eu cette fin ; il n’aurait point du tout parlé des premiers.
Quand il dit « qu’il y en a qui se sont faits eunuques eux-mêmes, il ne parle point du corps mais de l’esprit, et du retranchement de toutes les pensées et de tous les désirs déréglés ; car il est certain d’ailleurs que ce1ui « qui se ferait eunuque » par violence, serait maudit de Dieu. C’est ce qui fait dire à saint