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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/505

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avec un esprit de déguisement et de feinte ; mais seulement qu’il était faible ; et que d’un côté il désirait sincèrement la vie éternelle mais que de l’autre il était possédé d’une passion très-dangereuse. C’est pourquoi lorsque Jésus-Christ lui eut dit : « Si vous voulez entrer en la vie, gardez les commandements (17) », il lui répond sans artifice et sans le tenter : « Quels commandements » ? Il croyait peut-être que Jésus-Christ lui ferait quelques commandements nouveaux différents du décalogue, pour acquérir en les pratiquant cette vie heureuse qu’il témoignait tant désirer : « Quels commandements ? lui dit-il. Jésus lui dit vous ne tuerez point : vous ne commettrez point d’adultère : vous ne déroberez point : vous ne direz point de faux témoignage (18). Honorez votre père et votre mère, et vous aimerez votre prochain comme vous-même « (19) ». Lorsque Jésus-Christ lui eut marqué ces commandements de la loi, ce jeune homme répondit aussitôt : « J’ai gardé tous ces commandements dès ma jeunesse (20) ». Et sans s’arrêter là, il ajoute aussitôt : « Que me reste-t-il encore à faire » ? marquant par, toutes ces circonstances un désir ardent de posséder la vie éternelle ; mais particulièrement en ce qu’il croyait qu’après avoir accompli les commandements dont Jésus-Christ lui parlait, il lui manquait encore quelque chose pour acquérir ce qu’il souhaitait.
2. Que fait Jésus-Christ ? Comme il ne pouvait refuser de lui dire ce qu’il lui demandait si ardemment, et qu’il prévoyait d’ailleurs que l’avis qu’il lui allait donner lui paraîtrait dur et pénible, il commence par lui en proposer la récompense. « Si vous voulez être parfait » ; lui dit-il, « allez, vendez ce que vous avez, et donnez-le aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel : puis venez avec moi et me suivez (21) ». Vous voyez, mes frères, comment Jésus-Christ en proposant le travail n’oublie pas d’y joindre le prix et la couronne. Ce qu’il n’aurait pas fait sans doute si ce jeune homme ne lui eût parlé que pour le tenter. Après lui avoir fait cette proposition, il laisse le tout à sa liberté. Et pour empêcher que le conseil qu’il lui donne ne lui paraisse trop difficile ; il montre la récompense avec le travail en disant : « Si vous voulez être parfait, vendez tout ce que vous avez et le donnez aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel ; puis venez avec moi et me suivez ». C’était déjà une grande récompense que la gloire de suivre Jésus-Christ. « Et vous aurez un trésor dans le ciel ». Ce jeune homme estimait beaucoup les richesses de la terre, et Jésus-Christ, en lui conseillant de les quitter, lui montre en même temps qu’il ne lui ôtait rien, et il l’assure qu’il recevrait plus qu’il ne donnerait aux pauvres, et que les richesses qu’il lui destinait seraient élevées au-dessus de celles qu’il devait quitter, autant que le ciel est élevé au-dessus de la terre. Il se sert du mot de « trésor » pour expliquer par ce terme, autant que les paroles humaines en sont capables, que, les biens qu’il lui promettait seraient immenses, stables et incorruptibles. Il ne suffit donc pas de mépriser les richesses. Il faut encore secourir les pauvres. Mais il faut sur toutes choses suivre Jésus-Christ, c’est-à-dire faire exactement tout ce qu’il nous commande, être prêt à tout souffrir, et à mourir même à toute heure. Il dit lui-même : « Si quelqu’un veut venir après-moi, qu’il se renonce lui-même, qu’il porte sa croix et me suive (Luc IX, 23) », parce que c’est beaucoup plus de donner son sang et sa vie que de donner ses biens aux pauvres ; et que c’est par ce renoncement aux biens de la terre qu’on peut se mettre en état d’offrir à Dieu son sang et sa vie. « Ce jeune homme ayant entendu ces paroles, s’en alla tout triste (22) ; » et l’Évangile marque aussitôt que ce n’était pas sans sujet, « parce qu’il avait de grands biens ». Il y a bien de la différence entre l’avarice de ceux qui n’ont que peu de bien ou de ceux qui sont accablés sous le poids de leurs richesses. Ces grands biens rendent encore beaucoup plus avares ceux qui les possèdent. Je vous ai dit cent fois et je ne cesse point de vous le redire, que plus nos richesses s’augmentent, plus nous les aimons ; et que pour ainsi dire plus on est riche, plus on devient pauvre, puisqu’on en désire le bien avec plus de violence, et qu’on s’imagine avoir encore besoin de plus de choses. Considérez donc dans ce jeune homme quel est l’empire et la tyrannie de cette passion. Il s’approche de Jésus-Christ avec grande ardeur. Mais aussitôt que le Fils de Dieu lui a parlé de renoncer à ses richesses, il est si surpris et si étonné de cette parole, qu’il ne lui peut faire la moindre réponse. Il demeure dans un triste silence. Il s’en retourne tout abattu et accablé