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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/506

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d’un ennui mortel. Que dit à cela Jésus-Christ, mes frères ? « Je vous le dis en vérité : il est bien difficile qu’un riche entre dans le royaume des cieux (23) » ; marquant par ce mot de « riche », non pas en général celui qui a du bien, mais celui qui en est l’esclave. Que s’il est si difficile que les riches entrent dans le royaume des cieux, que deviendront les avares ? Si c’est assez pour se perdre que de ne pas donner son bien aux pauvres, quel supplice s’attire-t-on lorsque l’on vole le bien des autres ? Mais d’où vient que Jésus-Christ, qui n’avait que des disciples pauvres, et qui ne possédaient rien, ne laisse pas de leur dire « qu’il est difficile qu’un riche entre dans le royaume des cieux » ? C’était pour les exhorter à ne point rougir de leur pauvreté ? Et voulant comme justifier la défense qu’il leur, avait faite de ne rien posséder, après avoir dit d’abord qu’il était difficile qu’un riche entrât dans le ciel, il montre par une comparaison que cela est même impossible. « Un câble passera plus facilement par le chas d’une aiguille, qu’un riche n’entrera dans le royaume des cieux (24) ». Ceci nous fait voir qu’un riche qui use chrétiennement de ses richesses, doit espérer de Dieu une grande récompense. Mais Jésus-Christ montre dans la suite que cela ne peut être que l’ouvrage de Dieu seul, et qu’un riche a besoin d’une grâce très-puissante pour se détacher ainsi de ses richesses. Les disciples furent troublés de cette parole. « Les disciples entendant cette parole en furent fort étonnés, et ils disaient : Qui pourra donc être sauvé (25) » ? « Jésus les regardant leur dit : Cela est impossible aux hommes, mais tout est possible à Dieu (26) » – Pourquoi les apôtres étant aussi pauvres qu’ils étaient, se troublent-ils de ces paroles ? Pourquoi en sont-ils surpris ? C’est sans doute par la compassion qu’ils avaient de la perte de tant de monde, par le zèle qu’ils avaient déjà du salut des hommes, par la tendresse qu’ils ressentaient en voyant le péril qui menaçait toute la terre, et par cet esprit de paix qui commençait déjà à les animer. Cet arrêt que Jésus-Christ venait de prononcer contre ceux qui aimaient les richesses, les faisait trembler pour le monde entier, et cette crainte les saisissait de telle sorte qu’ils eurent besoin que Jésus-Christ les consolât. C’est ce qu’il fait aussitôt lorsqu’il leur dit en les regardant : « Cela est impossible aux hommes, mais tout est possible à Dieu ». Ce regard que l’Évangéliste marque, fut un regard doux et favorable, par lequel Jésus-Christ les consola dans leur tristesse et les rassura dans leur crainte, en dissipant toute l’agitation de leur cœur. Après « ce regard » tout puissant il les relève encore par ces paroles, en leur faisant considérer quelle était la force et la vertu de Dieu et en leur donnant de la confiance par cette vue.
3. Que si vous désirez, nies frères, savoir comment « ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu », je veux bien vous l’expliquer. Car Jésus-Christ n’a point dit cette parole afin qu’elle vous abatte et que vous désespériez de pratiquer cette vertu, comme vous étant impossible, mais afin que, considérant sa grandeur, vous vous y appliquiez avec courage ; que vous invoquiez la grâce de Dieu, afin qu’elle vous soutienne dans un combat si pénible et qu’elle vous fasse acquérir enfin la vie éternelle. Comment donc cela peut-il devenir possible ? Si vous renoncez tous à l’attachement aux biens, si vous méprisez les richesses et si vous foulez aux pieds une passion si basse. Nous voyons assez par la suite que Jésus-Christ ne parle pas de la sorte afin qu’en croyant que Dieu fait tout, vous demeuriez sans rien faire, mais plutôt pour vous exciter à travailler, d’autant plus que ce qu’il vous propose est plus grand et plus difficile. Car saint Pierre lui ayant fait cette demande : « Seigneur, pour nous autres nous avons tout quitté et nous vous avons suivi : quelle récompense donc en recevrons-nous (27) » ? Il lui répond : « Je vous dis en vérité que pour vous qui m’avez suivi, lorsqu’au temps de la renaissance générale le Fils de l’homme sera assis sur le trône de sa gloire, vous serez aussi assis sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël (28) ». Après leur avoir dit quelle récompense il leur préparait, il conclut : « Et quiconque abandonnera pour moi sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou « sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres, en recevra cent fois autant, et aura pour héritage la vie éternelle : (29) ». Ainsi nous voyons que Dieu rend possible ce qui paraissait auparavant impossible.
Vous me direz peut-être : comment peut-on quitter ses richesses ? Comment celui qui est possédé de l’amour de l’argent, pourra-t-il se