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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/507

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délivrer d’une passion si violente ? Il le pourra s’il commence par retrancher ce qu’il a de superflu. Il se mettra ainsi en-état d’aller plus loin et de pratiquer plus fidèlement ce que Jésus-Christ commande ici. N’entreprenez pas de renoncer tout d’un coup à tout votre bien, si ce renoncement vous paraît trop difficile. Commencez par ce que vous pourrez, et montant ainsi de degré en degré, vous vous’ ferez une échelle sainte qui vous élèvera jusque dans le ciel. Lorsqu’on travaille au contraire à masser toujours de l’argent, on ressemble à ces malades, qui croient pouvoir éteindre leur fièvre en buvant beaucoup, au lieu que cette eau la redouble et l’enflamme davantage. C’est ainsi que les avares, bien loin d’éteindre leur passion en augmentant leurs richesses, l’irritent au contraire de plus en plus. Rien n’est capable de guérir cette soif si violente de l’argent, sinon de retrancher d’abord le désir d’en acquérir de nouveau, comme la fièvre s’éteint, non en buvant, mais plutôt en ne buvant pas.
Mais c’est cela même que vous ne pouvez pas faire, et vous m’en demandez le moyen. Le moyen le plus court est d’être bien persuadé que plus vous satisferez cette soif de l’argent, plus elle s’irritera, que votre avarice croîtra à proportion de votre bien, et qu’aussitôt que vous cesserez de vouloir vous enrichir, vous arrêterez la cause du mal. Ne continuez donc point à désirer d’être riche, de peur que, désirant toujours ce que vous n’aurez jamais, vous ne rendiez votre maladie incurable, et qu’étant possédé de cette passion ou plutôt de cette rage pour l’argent, vous ne deveniez le plus malheureux de tous les hommes. Car, dites-moi, je vous prie, lequel des deux vous paraîtrait plus misérable, ou celui qui désirerait avec ardeur de manger et de boire, sans avoir jamais ce qu’il désire, ou celui qui n’aurait jamais ni faim ni soif ? N’est-il pas visible que ce dernier serait heureux et le premier misérable ? C’est un mal si horrible d’avoir une faim et une soif extrêmes sans les pouvoir apaiser, que Jésus-Christ nous voulant tracer une peinture de l’enfer, nous en donne cette image dans le mauvais riche qui, brûlant de soif, ne pouvait trouver une goutte d’eau.
Celui donc qui commence à mépriser le bien, arrête le cours d’un si grand mal ; mais celui qui veut toujours amasser, l’augmente de plus en plus. Quand il aurait dix mille talents dans ses coffres, il en voudrait encore autant ; et s’il les avait, il en désirerait deux fois davantage. Et son avarice croissant toujours, il souhaiterait de pouvoir changer en or les montagnes, la terre et la mer. Tant il est vrai que cette passion, ou plutôt cette manie, n’a point de bornes, et qu’elle allume dans l’âme une soif qui ne peut jamais s’éteindre. Mais, afin de vous faire mieux comprendre que le désir de la fortune se doit guérir, non en le satisfaisant, mais en l’arrêtant, je vous prie de me dire, s’il vous était venu une passion de voler en l’air comme les oiseaux, comment feriez-vous pour l’étouffer. Si ce serait en vous faisant des ailes pour voler, ou bien en bannissant de vous cette pensée comme ridicule et extravagante ? Vous en useriez sans doute de cette sorte ; puisque c’est l’âme et la raison qu’il faut toujours guérir la première dans ces occasions. Que si vous me dites qu’il est entièrement impossible qu’un homme vole : je vous réponds qu’il est encore bien plus impossible de fixer des bornes à l’avarice. Il serait plus aisé à un homme de voler dans l’air, que de guérir son avarice en augmentant ses richesses. Lorsque nos désirs ne se portent qu’à des choses qui sont faisables, il n’est pas impossible alors de les apaiser en les contentant : mais lorsqu’ils s’attachent à ce qu’il nous est impossible d’obtenir, nous n’aurons jamais de paix, qu’en coupant ce mal par la racine et en le retranchant.
Ainsi, mes frères, ne nous embarrassons point en tant de soins inutiles. Renonçons entièrement à cette passion inquiète de l’argent qui ne nous laisserait jamais en repos. Pensons à un autre monde, où nous trouverons des biens sans inquiétude, qui rendent vraiment heureux, et ne désirons que les trésors qui sont dans le ciel. L’acquisition n’en est point pénible, et la possession est le comble de tous les biens. Ce commerce n’est exposé ni aux pertes ni aux périls. Nous n’avons seulement qu’à veiller sur n6us-mêmes et à mépriser tout ce que nous voyons ici-bas. Car celui qui s’attache aux richesses de la terre et s’en rend esclave, perdra nécessairement celles du ciel.
4. Pensez à ces vérités ; mes’ frères, et bannissez de vous cette passion de l’avarice. Car je fie crois pas que vous osiez dire que si l’amour de l’argent ne donne point la félicité du ciel, il donne au moins celle de la terre. Quand cela serait vrai, ces biens apparents ne seraient-ils pas de très-grands maux ? Mais ils n’ont pas même cette apparence de bien. Ils