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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/536

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prennent de là néanmoins un sujet de l’envier, parce que leur envie n’en trouvait point d’autre. Ils n’osent pas même lui faire cette demande au moment qu’il chassait les vendeurs du temple, parce qu’ils étaient arrêtés par l’éclat de ses miracles. Mais le trouvant occupé à enseigner le peuple, ils l’interrompent pour le quereller. Que fait donc Jésus-Christ en cette rencontre ? Il ne répond point précisément à leurs demandes : Il n’était point nécessaire de leur dire d’où lui venait une puissance qu’ils pouvaient, s’ils eussent voulu, reconnaître par eux-mêmes. Il leur fait au contraire une autre question.

« Jésus leur répondit : J’ai une autre question à vous faire, et lorsque vous m’y aurez répondu, je vous dirai par quelle autorité je fais ceci (24). D’où était le baptême de Jean ? Du ciel, ou des hommes (25) » ? Quelle liaison, me direz-vous, y avait-il de cette question avec celle qu’ils lui faisaient ? une très grande : car s’ils eussent répondu que ce baptême était du ciel, Jésus-Christ leur eût répliqué : Pourquoi ne l’avez-vous pas cru, puisque si vous l’eussiez fait, vous ne seriez pas en peine maintenant de me demander d’où me vient cette puissance ? Vous savez qu’il a dit : « Je ne suis pas digne de dénouer le cordon de ses souliers (Luc. 3,16) » ; et « Voilà l’agneau de Dieu, voilà celui qui porte le péché du monde (Jn. 1,29) » ; et « C’est là le Fils de Dieu (Jn. 3,31) » ; et « Celui qui est venu d’en haut est au-dessus de tous » ; et « Il a le van en main et il purgera son aire. » (Mat. 3,12) C’est pourquoi, s’ils eussent cru saint Jean il leur eût été aisé de connaître par quelle autorité Jésus-Christ aurait agi de la sorte.

« Mais eux raisonnaient ainsi en eux-mêmes : Si nous répondons qu’il était du ciel, il nous dira : Pourquoi donc ne l’avez-vous pas cru (25) ? Et si nous répondons qu’il était des hommes, nous avons à craindre le peuple, car Jean passe pour un prophète dans l’estime de tout le monde (26). Ils répondirent donc à Jésus : Nous ne savons. Et Jésus aussi leur répondit : Je ne vous dirai point non plus par quelle autorité je fais ceci (27). » Les Juifs lui disent par malice : « Nous ne savons » ; mais il ne leur répond pas : Je ne le sais pas non plus ; mais « Je ne vous le dirai pas non plus. » S’ils eussent été simplement dans l’ignorance, il n’eût pas refusé de les instruire ; mais comme ils agissaient par un esprit double et artificieux, il a raison de les laisser sans leur rien répondre.

Ce qui les empêcha de dire que le baptême de Jean était des hommes, était, comme dit l’Évangile, « la crainte qu’ils avalent du peuple ». Ainsi l’on voit en toutes rencontres, combien ils étaient corrompus dans le cœur, puisque, méprisant Dieu, ils n’avaient égard qu’aux hommes. Car ils témoignent ici quelque respect pour saint Jean non à cause de sa vertu, mais seulement « à cause du peuple », et ils ne voulaient pas de même croire en Jésus-Christ, parce qu’ils faisaient tout par des respects humains et charnels. Ce souci qu’ils avaient des hommes était l’unique cause de tous leurs maux.

« Que vous semble, ajoute Jésus-Christ, de ce que je m’en vais vous dire ? Il y avait un homme qui avait deux fils, et s’adressant au premier, il lui dit : Mon fils, allez-vous-en aujourd’hui travailler à ma vigne (28). À quoi il répondit : Je ne veux pas : mais après, étant touché de repentance, il s’y en-alla (29). Puis s’adressant à l’autre, il lui fit le même commandement, celui-ci lui répondit : J’y vais, seigneur, et il n’y alla point (30). Lequel des deux a fait la volonté de son père ? Le premier, dirent-ils (31) ». Il commence encore à leur parler par paraboles, pour rendre d’un côté leur désobéissance et leur opiniâtreté inflexible, et pour louer de l’autre l’obéissance si prompte et si ardente des gentils ; en effet, ce qui se passe ici à l’égard de ces deux enfants est la figure de ce qui devait arriver à ces deux peuples. Car les gentils, qui n’avaient point promis à Dieu l’obéissance puisqu’ils n’avaient pas même reçu de loi, n’ont pas laissé de lui obéir effectivement, et avec beaucoup de zèle ; et les juifs au contraire, après avoir promis par un vœu solennel « de faire tout ce que le Seigneur leur dirait (Exo. 19,8 ; et 24, 3) », n’ont point fait ce qu’il leur a commandé. Afin donc qu’ils ne s’imaginent pas que cette loi leur doive servir de rien, Jésus-Christ leur montre au contraire que ce sera par elle qu’ils seront condamnés un jour. C’est ce que saint Paul a dit ensuite : « Ceux qui écoutent la loi, ne seront pas pour cela justes devant Dieu ; mais ceux-là seront justes devant lui, qui observent la loi et qui la pratiquent ». (Rom. 2,13) C’est pourquoi le Seigneur propose aux juifs une question, il veut qu’ils se