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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/537

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prononcent afin qu’ils se condamnent eux-mêmes par leur propre bouche.

3. C’est le dessein qu’il a dans cette parabole de la vigne, par laquelle il leur fait voir une image de leur crime dans la personne d’un autre. Comme ces pharisiens, voyant clairement que leur réponse retournerait contre eux-mêmes, refusaient de répondre, le Sauveur enveloppe la même pensée sous l’obscurité d’une parabole. Et après qu’ils se sont condamnés de leur propre bouche, il leur découvre ce qu’il leur avait caché sous ce voile. « Jésus ajouta : Je vous dis en vérité que les publicains et les femmes prostituées vous devanceront au royaume de Dieu (13). Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice et vous ne l’avez point cru. Les publicains au contraire et les femmes prostituées l’ont cru ; et vous, sur cet exemple vous ne vous êtes point repentis, et vous ne l’avez pas cru (32) ». S’il leur eût dit d’abord que « les femmes prostituées les devanceraient dans le royaume des cieux », cette parole leur eût paru trop dure : mais comme il ne tire cette conclusion que des principes dont ils sont eux-mêmes demeurés d’accord, ils sont forcés malgré eux d’en reconnaître la vérité. C’est pour ce sujet qu’il ajoute cette raison : « Jean », dit-il, « est venu » à vous et non pas aux autres ; il y est venu, non simplement comme un autre homme, mais « dans la voie de la justice ». Car vous ne lui pouvez rien reprocher, vous ne pouvez l’accuser d’aucune action mauvaise. Sa vie a été irrépréhensible. Il a fait paraître en tout une sagesse extraordinaire, « et cependant vous ne l’avez point cru ». Et ce qui augmente votre crime, c’est que les publicains mêmes et les femmes perdues ont cru en lui ; et de plus, c’est « que vous qui avez vu leur exemple, n’avez point été touchés ensuite de repentance pour croire au « moins après eux », vous qui deviez croire avant eux. Ainsi vous êtes entièrement inexcusables, comme ils sont dignes de toute louange.

Et considérez, je vous prie, combien de circonstances relèvent ici l’infidélité des uns et la foi des autres. Il est venu à vous et non à eux. Vous n’avez point cru en lui, et ils n’en ont point été scandalisés, Ils ont cru en lui, et vous n’en avez point été touchés. Ce que Jésus-Christ dit : « Ils vous devanceront dans le royaume de Dieu », ne marque pas absolument que les autres les y suivront ; mais seulement que s’ils veulent penser à eux, ils peuvent encore espérer de se sauver. Car il n’y a rien qui réveille et qui excite tant les esprits grossiers que l’émulation et la jalousie. C’est pourquoi Jésus-Christ dit si souvent : « Que ceux qui étaient les derniers seront les premiers, et que ceux qui étaient les premiers seront les derniers ». Et c’est pour ce sujet encore qu’il compare ici avec les pharisiens, les publicains, et les femmes débauchées, les deux états les plus désespérés et les plus odieux dans l’un et dans l’autre sexe ; les deux crimes qui nous frappent davantage et qui viennent tous deux d’un excès d’amour : l’un pour les corps et l’autre pour l’or.
Jésus-Christ montre ici en passant que c’était écouter la loi de Dieu que de croire à Jean. Il ne faut pas croire aussi que ce soit seulement la grâce de Dieu qui fasse elle seule que les femmes prostituées entrent dans le royaume de Dieu. La justice le fait aussi, puisqu’elles n’entrent point dans ce royaume en restant ce qu’elles étaient, mais en écoutant la vérité et en la croyant, en se convertissant et en se purifiant des taches de leur vie passée. Ainsi, Jésus-Christ donne de la force à son discours sans le rendre néanmoins trop odieux par cette parabole, et par la comparaison des femmes prostituées. Il ne reprend point tout d’abord les Juifs de n’avoir point cru à saint Jean : il loue auparavant les publicains de ce qu’ils l’ont fait : et il blâme les Juifs ensuite d’avoir refusé de le faire, leur reprochant leur opiniâtreté, et les accusant de tout faire par une vaine crainte des hommes et par un vain désir d’être estimés d’eux. C’était cette crainte orgueilleuse qui les empêchait de reconnaître Jésus-Christ et de croire en lui ; ils avaient peur d’être chassés de la synagogue. Et c’était aussi la même crainte et non point aucun sentiment de respect qui les empêchait de rien dire qui fût désavantageux à saint Jean. Jésus-Christ reprend donc tous ces péchés dans les juifs ; mais il les perce jusques au cœur, en disant : « Que l’exemple même des publicains ne les avait point touchés de repentance pour croire en Lui ». C’est un mal que de ne pas choisir le bien d’abord ; mais c’est encore un plus grand mal, de ne vouloir pas au moins rentrer dans le bien par la pénitence. C’est cette impénitence qui endurcit les pécheurs et qui fait qu’ils