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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/540

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Mais, dans cette vie même les travaux des chrétiens sont bien différents de ceux que souffrent les gens du monde. Car, dans les engagements du siècle, les périls sont continuels ; les pertes et les afflictions ordinaires ; l’espérance incertaine ; la servitude accablante et insupportable. On y consume son bien, son cœur et son âme même. Lors même que les travaux des gens du monde sont récompensés, ils le sont beaucoup moins qu’ils ne l’espéraient. Car souvent le succès trompe leur attente, et ayant semé ils ne recueillent rien.
Que si quelquefois ils sont plus heureux, et s’ils se voient arrivés enfin au comble de leurs prétentions et de leurs souhaits, ils ne peuvent retenir leur bonheur, et en un moment il leur échappe des mains. Car ils se trouvent tout d’un coup surpris par la vieillesse, et leurs sens affaiblis par l’âge ne sont plus capables de goûter les délices et les plaisirs. Ainsi, ils usent, pour acquérir du bien, la vigueur de leur âge et de leur corps ; elle les abandonne lorsqu’ils en ont, et ils se trouvent dans l’impuissance d’en jouir. Et quand même ils le pourraient faire, ils en voient la fin qui les menace, et la crainte de la mort, qui est si proche, les traverse dans tous leurs plaisirs. Mais il arrive tout le contraire dans la vertu. Le travail ne dure pas plus de temps que cette chair fragile et mortelle ; mais nous en recevrons une récompense éternelle dans un corps qui ne vieillira jamais, qui ne sera plus sujet à la mort ni aux autres faiblesses de cette vie.
Le travail qui précède est court, mais la récompense qui le suit n’aura point de fin, et le corps jouira d’une pleine paix, sans pouvoir plus rien souffrir dans tout le cours de l’éternité. Car il n’y aura plus là de changement ni d’affliction à craindre.
Quels sont donc, mes frères, les biens que les hommes désirent tant dans ce monde ? Des biens qu’on n’acquiert que par une infinité de maux, qu’on ne possède que dans une crainte continuelle de les perdre ; qui ne durent qu’un moment, et qui n’ont pas plutôt paru qu’ils s’évanouissent. Comment peut-on les comparer avec ces autres biens qui sont stables et éternels, qu’on possède sans aucun travail, et qui nous couronnent dans le combat même ? Car celui qui méprise les richesses, trouve dans ce mépris même une grande récompense, n’étant exposé ni à l’envie, ni à la haine, ni aux calomnies, ni aux embûches des hommes. Celui qui est sage et bien réglé dans toute sa vie ; est couronné dès ici-bas. La paix règne dans son cœur, l’innocence dans ses actions, l’honnêteté dans ses paroles. Il ne craint ni les accusations, ni les périls, et il est à couvert d’une infinité de maux. Ainsi, chaque vertu a son prix et sa récompense dès cette vie. C’est pourquoi, mes frères, fuyons le vice et vivons saintement, pour jouir des biens et de ce monde et de l’autre, que je vous souhaite à tous, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur, à qui est la gloire et l’empire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.