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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/60

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que les morts. Nous ne sommes point touchés en voyant le bienheureux Paul s’élever au-dessus du ciel et passer même le ciel du ciel, voler plus vite qu’une flamme, vaincre tous les obstacles qui se présentent à lui et se mettre au-dessus du ciel et de l’enfer, du présent et de l’avenir, de ce qui est et de ce qui n’est pas.
Si ce modèle est trop grand pour vous, c’est une marque de votre lâcheté. Qu’est-ce que saint Paul a eu de plus que vous, pour croire qu’il vous soit impossible de l’imiter ? Mais n’insistons pas sur ce point, laissons saint Paul à part et jetons la vue sur les premiers chrétiens ; argent, propriétés, soucis mondains, occupations séculières, ils rejetaient tous ces hommes, pour se donner à Dieu tout entiers et pour méditer jour et nuit ses enseignements.
Car tel est le feu du Saint-Esprit il ne souffre point que le cœur qu’il enflamme désire aucune des choses de ce monde, mais il nous, porte à un autre amour. C’est pourquoi celui qui suivait d’abord ses passions et ses désirs, deviendra prêt tout d’un coup à donner tout ce qu’il possède, à mépriser la gloire, à quitter les délices et même à exposer sa vie, s’il est nécessaire, et il fera tout cela avec une facilité merveilleuse, parce que lorsque l’ardeur de ce feu est entrée dans l’âme de quelqu’un, elle en chasse toute froideur et toute lâcheté. Elle la rend plus légère que n’est un oiseau et lui donne un mépris général de toutes les choses présentes.
Cette personne commence aussitôt à ressentir sans relâche les mouvements du repentir et de la componction. Elle pleure sans cesse avec abondance et trouve mille plaisirs et mille délices dans ses larmes. Et certes il n’y a rien qui nous attache plus fortement à Dieu que ces larmes. Celui qui est en cet état a beau demeurer dans une ville, il ne laisse pas d’y vivre comme s’il était retiré dans un désert, sur une montagne ou dans le creux d’un rocher. Il ne regarde plus rien des choses présentes et il ne se lasse point de gémir et de pleurer, soit qu’il pleure ses propres péchés, soit qu’il pleure ceux des autres. C’est pourquoi Jésus-Christ déclare que ceux-là sont bienheureux : « Heureux », dit-il, « ceux qui pleurent ! » (Mt. 5,5 ; Phil. 4,4)
Mais comment donc, me direz-vous, saint Paul a-t-il dit. «. Réjouissez-vous sans cesse en Notre-Seigneur ? » Il l’a dit pour exprimer le plaisir qui naît de ces larmes. Car comme la joie du monde a toujours la tristesse pour compagne, de même les larmes que l’on verse selon Dieu, font croître dans l’âme une fleur de joie qui ne meurt ni ne se fane jamais.
Ce fut ainsi, que cette courtisane de l’Évangile devint plus pure que les vierges même, ayant été embrasée de ce feu divin, Dès qu’elle eut passé par les flammes de la pénitence, son amour pour Jésus-Christ alla jusqu’au transport. Elle vint toute échevelée, elle arrosa ses pieds sacrés de ses larmes, les essuya de ses cheveux et versa dessus des parfums. Mais combien ces marques extérieures de son amour étaient encore au-dessous des saintes ardeurs de son âme, que Dieu seul voyait ! Aussi tous ceux qui entendent raconter cette histoire, se réjouissent de ses actions si saintes et la tiennent déjà purifiée de tous ses péchés.
Si nous qui avons tant de malice, nous portons ce jugement sur sa conversion, considérons quelles grâces elle aura reçues de Dieu, dont la bonté est infinie, et combien elle-même a recueilli de fruits de sa pénitence, avant même que Dieu l’ait comblée de ses dons et de ses faveurs. Comme l’air devient pur après une grande pluie, ainsi après cette pluie de larmes, l’esprit devient serein et tranquille, et les nuages des péchés se dissipent entièrement. Et comme nous avons été purifiés la première fois dans le baptême par l’eau et par l’esprit, nous le sommes une seconde fois dans la pénitence, par les larmes et par la confession, pourvu que nous n’agissions point par ostentation et par vaine gloire. Car celle qui pleure de la sorte est encore plus digne de blâme, que celle qui se peint le visage de blanc et de rouge par le désir qu’elle a de paraître belle.
Pour moi je veux des larmes qu’on ne donne pas à l’hypocrisie, mais à la componction. Je veux des larmes que l’on répande en secret dans le lieu le plus retiré de sa maison, et hors de la vue des hommes ; des larmes que l’on verse dans un grand silence, et dans un profond repos, et qui sortent du fond du cœur, qui naissent de la douleur et de la tristesse, et que l’on ne présente qu’aux yeux de Dieu seul. Telles étaient celles d’Anne, dont l’Écriture dit : « Qu’elle remuait les lèvres, sans qu’on entendît sa voix. » (1Sa. 1,13) Mais ses larmes retentissaient plus haut devant Dieu que toutes les trompettes, du monde. C’est pourquoi Dieu