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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/596

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à considérer le moment de la naissance des hommes, comme ayant un pouvoir fatal sus toute leur vie, et qui osent opposer je ne sais quelle révolution de temps aux dogmes et aux vérités de l’Église ? Car, qui a jamais entendu dire que, par suite de cette révolution, on ait déjà vu un autre Christ et une autre prédication de l’Évangile ? Ces rêveurs n’ont pas encore osé avancer cette extravagance, quoiqu’ils assurent que depuis la création du monde il s’est passé cent mille ans, et d’autres fables semblables, Quelle est donc cette révolution dont ils parlent ? Quand donc a-t-on vu, dans un si grand nombre d’années, revenir les embrasements de Sodome et de Gomorrhe, ou les inondations d’un second déluge ? Jusqu’à quand vous jouerez-vous de la crédulité des hommes, avec cette révolution imaginaire que vous dites être le principe de toutes choses ?
Vous me demanderez peut-être : D’où vient donc qu’il arrive beaucoup de choses de celles que le démon a prédites ? Je vous réponds que cela vient de ce que vous vous rendez indigne du secours de Dieu, que vous sortez du giron de sa providence pour vous abandonner aux impressions du démon, qui vous mène et vous manie alors comme Il lui plaît, et qu’ainsi il prédit que vous ferez ce qu’il prévoit qu’il vous fera faire. Mais il n’a pas le même pouvoir sur les saints, ni même sur nous autres, quelque pécheurs que nous soyons, parce que nous n’avons pour lui qu’un profond mépris. Car, bien que notre vie soit à peine supportable, néanmoins lorsqu’avec la grâce de Dieu nous nous tenons attachés à sa vérité, nous nous mettons au-dessus de cette erreur que les démons veulent établir.
Mais enfin, qu’est-ce que cette renaissance imaginaire que vous inventez, sinon une confusion générale qui jette tout dans le désordre et qui fait que tout arrive au hasard, et non seulement au hasard, mais même contre la raison.
Vous me direz peut-être : Si tout ne se conduisait par le hasard, d’où pourrait venir que l’un serait riche et l’autre pauvre ? Je vous réponds que je ne le sais pus ; car j’ai résolu d vous répondre ainsi, pour vous apprendre à n’être plus si curieux, et à ne pas croire témérairement qu’il n’y a rien de réglé dans le cours du monde. Il y a bien de la différence entre ignorer les véritables raisons des choses, ou en inventer de fausses. Une ignorance humble vaut beaucoup mieux qu’une science erronée et présomptueuse. Celui qui reconnaît qu’il ne sait pas une chose, se laisse aisément instruire. Mais celui qui, ne connaissant point la vérité, invente des faussetés, est d’autant plus éloigné de la connaître que, pour s’en rendre susceptible, il faut, auparavant, qu’il travaille à effacer de son esprit ces impressions fausses dont il est prévenu.
On écrit sans – peine sur un papier blanc tout ce que l’on veut ; mais lorsqu’il est déjà écrit, on a beaucoup plus de peine, et il faut auparavant effacer tout ce qu’on y avait mis. Un médecin qui ne donne aucun remède, vaut bien mieux qu’un autre qui en donne de mauvais. Un architecte dont tous les bâtiments tombent par terre, est bien plus à craindre que celui qui n’ose point bâtir. Il est bien plus facile de cultiver une terre qui est simplement en friche, qu’une autre qui est toute pleine d’épines.
Ne soyons donc point si ardents pour tout savoir. Souffrons durant quelque temps notre ignorance, afin que, lorsque nous trouverons un maître capable de nous instruire, nous ne lui donnions pas la double peine de nous retirer de l’erreur, et de nous faire entrer dans la vérité. On a vu souvent des personnes tomber dans un état qui était sans remède, pour s’être laissé aller ainsi dans l’égarement. Il y a bien plus de peine à arracher de vieilles racines d’une terre pour la semer ensuite, que de semer dans un champ où il n’y a rien, il faut de même que ces faux savants arrachent beaucoup de mauvaises maximes de leur esprit, avant que de pouvoir recevoir les bonnes ; au lieu que les autres qui sont plus humbles et moins impatients, ont toujours le cœur disposé à écouter ce qu’on leur enseigne.
Je réponds maintenant à votre question : d’où vient que, de deux hommes, l’un est riche et l’autre est pauvre ? Il est aisé de vous dire pourquoi l’un est riche. C’est parce que Dieu lui a donné ces richesses, ou qu’il a permis qu’il les eût. Cette raison est, comme vous le voyez, fort courte et fort simple. Vous me demandez encore si Dieu rend riches des méchants, des impudiques, des abominables, enfin des gens qui usent si mal de leurs richesses ? Je vous réponds qu’il ne les rend pas riches par lui-même, mais qu’il souffre qu’ils le soient. Car il y a bien de la différence entre