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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/597

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rendre une personne riche, et souffrir seulement qu’elle le soit.
Mais pourquoi le permet-il, dites-vous C’est parce que le temps du jugement n’est pas encore arrivé, et que c’est alors que Dieu rendra à chacun ce qu’il mérite. Quel crime fut jamais plus odieux que celui de ce riche, qu’ne voulait pas même donner de ses miettes au pauvre Lazare ? N’en reçut-il pas aussi d Dieu le châtiment qu’il méritait, puisque la dureté qu’il eut pour les pauvres fut punie avec une justice si exacte que, soupirant lui-même pour avoir une goutte d’eau au milieu des flammes, il ne la put jamais obtenir ? Lorsque deux personnes sont également méchantes, et que l’une des deux est pauvre et l’autre riche, elles ne seront pas également punies dans l’enfer, et le riche, sans doute, y souffrira beaucoup plus que l’autre. C’est ce que nous voyons dans ce mauvais riche, qui fut puni d’autant plus rigoureusement en l’autre vie, qu’il avait été plus heureux dans celle-ci.
5. Lors donc que vous voyez quelqu’un s’enrichir par ses injustices, et jouir de – toutes sortes de biens, déplorez son sort et sa misère, puisque cette prospérité apparente attirera sur lui un plus grand supplice. Comme ceux qui offensent Dieu tous les jours sans en faire pénitence, « s’amassent », selon saint Paul, « un trésor de colère (Rom. 2,5)», de même ceux qui jouissent ici de toutes sortes de biens, sans y ressentir la moindre incommodité, en seront un jour beaucoup plus punis.
Je vous ferai voir, si vous le voulez, combien ce que je vous dis est vrai, non seulement par ce qui nous arrivera dans l’autre monde, mais par ce qui arrive tous les jours dans celui-ci. Ne savez-vous pas qu’après que le bienheureux David eut commis avec Bersabée ce crime si connu de tout le monde, Dieu ne lui reprocha rien avec tant de force, que l’ingratitude qu’il lui avait témoignée après les grâces signalées dont il l’avait comblé ? Écoutez le reproche que Dieu lui en fait : « Je vous ai sacré roi, je vous ai délivré des mains de Saül : Je vous ai donné tout ce qui appartenait à votre maître, et toute la maison de Judas et d’Israël ; et si cela était peu, j’y en eusse ajouté encore davantage. Pourquoi donc avez-vous commis ce crime en ma présence » ? (2Sa. 12) Dieu, mes frères, ne tire pas une même vengeance de tous les crimes. Il les punit différemment selon les différentes circonstances des temps, de l’âge, des conditions, des dignités, de l’éducation, de l’esprit, de l’expérience et de plusieurs choses semblables.
Pour faire mieux voir ce que je dis ; examinons quelque péché. Prenons, par exemple, celui de l’impureté, et considérez combien, non pas moi, mais l’Écriture, nous assure qu’il sera différemment puni de Dieu. Si un homme a commis ce péché honteux avant la Loi, saint Paul dit qu’il en sera châtié : « Ceux », dit-il, « qui auront péché sans la Loi, périront aussi sans loi ». (Rom. 2,12) Si un autre a commis ce crime après la Loi, il en sera puni davantage, « parce que ceux qui ont péché dans la Loi, seront jugés par la Loi ». (Id)
Si un prêtre s’est laissé tomber dans cette faute, sa dignité l’aggravera beaucoup : et c’est pour cette raison qu’autrefois les autres femmes, coupables d’impudicité, étaient seulement condamnées à la mort, au lieu que les filles des prêtres, qui se laissaient corrompre, étaient condamnées au feu ; Moïse laissait ainsi au prêtre à juger ce qu’il devait attendre s’il tombait dans ce même crime. Car s’il témoigne tant de sévérité contre une personne, seulement parce qu’elle est fille du prêtre, que fera-t-il contre le prêtre même ? Si quelque femme commet un crime, y étant contrainte et comme forcée par une violence étrangère, la Loi ne lui impute point. Elle met aussi uni grande différence entre deux femmes qui commettraient la même action d’impureté dont l’une serait riche et l’autre pauvre : on le voit par ce que nous avons déjà rapporté de David.
Que si quelqu’un tombe dans ce crime, après que Jésus-Christ est venu au monde, il est constant que quand il serait mort sans avoir encore participé aux mystères, il en sera beaucoup plus puni que ceux qui ont péché avant l’Évangile. Que si quelqu’un viole la grâce du saint baptême, et commet un crime après l’avoir reçue, il ne reste plus, selon saint Paul, aucune consolation à cet homme : « Si quelqu’un », dit-il, « a méprisé la Loi de Moïse, il meurt sans miséricorde à la déposition de deux ou trois témoins ; combien donc celui-là sera-t-il jugé digne d’un plus grand supplice, qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, qui aura tenu pour une chose vile et profane le sang de l’alliance par lequel il avait été sanctifié, et qui aura fait outrage à l’Esprit de grâce » ? (Héb. 10,28) Enfin, si