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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/612

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Mais avant que de parler de la punition que doit attendre ce serviteur ingrat et infidèle, parlons de la récompense de celui que son maître trouve dans le devoir, et qu’il honore de ses louanges.
« Je vous dis en vérité qu’il lui donnera la charge de tous ses biens (47) ». Quelle plus grande gloire, mes frères, pouvons-nous nous figurer, et qui pourrait assez exprimer le bonheur de ce serviteur qui sera établi de Dieu même, le Créateur de toutes choses, et à qui tout obéit, « sur tous les biens qu’il possède » ? C’est avec grande raison que Jésus-Christ appelle ce serviteur « prudent », parce qu’il a su qu’il ne devait pas perdre de si grands avantages en voulant s’en conserver de petits ; et parce qu’en vivant parmi les hommes avec une modération si sage, il a mérité de gagner le ciel. Jésus-Christ agit ensuite selon sa coutume, et après avoir encouragé ses disciples par la récompense qu’il promet aux bons, il les excite encore par la punition dont il menace les méchants.
4. « Mais si ce serviteur, méchant au contraire, dit en son cœur : Mon maître n’est pas près de venir (48). Et qu’il commence à battre ses compagnons, et à manger et à boire avec des ivrognes (49). Le maître de ce serviteur viendra au jour où il ne l’attend pas, et à l’heure qu’il ne sait pas (50). Et il le séparera et lui donnera pour partage d’être puni avec les hypocrites : C’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents (54) ». Si quelqu’un voulait ici rejeter sur Dieu la faute de ce serviteur, et dire que cette pensée ne lui est venue que parce qu’il ignorait le jour et l’heure où son maître devait venir : Nous lui répondrons au contraire qu’il tombe dans ce désordre, non parce qu’il ne connaissait pas ce jour, mais parce qu’il se servait de cette ignorance pour satisfaire sa passion et sa malice. Car pourquoi la même pensée ne venait-elle pas au serviteur « prudent » et « fidèle » ? C’est donc à vous que je m’adresse, ô homme coupable, ô serviteur ingrat et méchant ! Qu’importe que votre maître ne soit pas près devenir ? Pourquoi vous imaginez-vous même qu’il ne viendra point ? Et puisqu’il est certain qu’il doit venir, pourquoi ne vous préparez-vous pas à le recevoir ?
Aussi nous voyons dans son malheur, qui suit sa faute de bien près, que ce n’est point le Seigneur qui est lent à venir, et que cette longueur n’est que dans l’imagination de ce serviteur infidèle. Saint Paul nous montre clairement que le Seigneur ne sera pas longtemps à venir, lorsqu’il dit : « Le Seigneur est proche, ne vous mettez en peine de rien ». Et : « Celui qui viendra, viendra, et il ne différera pas ». (Phil. 4,5) Mais écoutez ce qui suit, et remarquez avec quel soin Jésus-Christ rappelle à la mémoire de ses disciples ce jour qui leur est inconnu, témoignant ainsi que ce souvenir leur était très-avantageux, et qu’il était capable de les réveiller de leur assoupissement. Et on ne doit point s’arrêter à considérer si plusieurs n’ont retiré aucun avantage de ces pensées si salutaires, puisque bien d’autres considérations qui servent beaucoup à plusieurs, leur sont devenues entièrement inutiles. Dieu fait toujours ce qu’il doit, quoique nous ne fassions pas ce que nous devons.
Qu’ajoute donc Jésus-Christ dans la suite ? « Il viendra au jour qu’il ne l’attend pas, et à l’heure qu’il ne sait pas » ; et il lui fera souffrir ce qu’il mérite. Considérez combien de fois Jésus-Christ représente l’incertitude et l’ignorance de ce jour ; pour faire mieux comprendre à ses disciples l’utilité qu’ils devaient retirer de ce secret, et pour les tenir toujours dans la crainte. Car il paraît que le but principal de Jésus-Christ est de nous tenir toujours dans la vigilance ; et comme les prospérités nous relâchent, et que les afflictions nous réveillent, il prédit toujours qu’il viendrait lorsque tout serait dans le calme et dans la paix. Il a exprimé cette vérité en rapportant l’exemple du temps de Noé, auquel il compare le temps de son dernier avènement, et il la confirme encore ici en assurant qu’aussitôt que ce serviteur s’abandonnera à la débauche et aux excès du vin, il tombera dans un malheur irréparable.
Mais ne nous arrêtons point, mes frères, à considérer seulement la peine dont Dieu punit ce serviteur infidèle. Rentrons plutôt en nous-mêmes pour voir si nous ne sommes point en danger de tomber dans ce malheur. Car je ne fais point de distinction entre ce méchant serviteur et ceux qui, étant riches, ne font point part de leurs-biens aux pauvres. Vous n’êtes pas plus maître de votre argent que celui qui dispense les biens de l’Église. Vous n’en êtes que le dispensateur. Et comme il n’est pas permis à l’économe et au dispensateur de ces biens sacrés, de prodiguer ce que vous avez donné