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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/613

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pour les pauvres, ou de les détourner pour d’autres usages que ceux auxquels ils ont été destinés, il ne vous est pas permis de même d’abuser indiscrètement de vos richesses. A la vérité, vous avez reçu votre bien de la succession de votre père ; vous êtes entré légitimement dans l’héritage de votre famille, tout ce que vous avez vous appartient, mais tout cela néanmoins est avant tout la propriété de Dieu. Si donc vous voulez vous-même que l’argent que vous donnez soit dispensé avec tant de soin, croyez-vous que Dieu n’exige pas de vous autant de fidélité que vous en exigez des hommes, et qu’il ne veuille pas au contraire que vous soyez encore plus exact ? Croyez-vous qu’il permette que vous dissipiez ces biens qu’il vous a donnés ? Il a voulu vous rendre le dépositaire de grandes richesses, afin que vous en fassiez part charitablement aux pauvres selon leurs besoins. Comme donc vous donnez de l’argent à un autre homme, afin qu’il le dépense avec sagesse, Dieu de même vous en a donné afin que vous le distribuiez avec discrétion. Quoiqu’il pût vous l’ôter, il a mieux aimé vous le laisser, afin que vous eussiez toujours des occasions de pratiquer cette vertu ; en rendant ainsi tous les hommes dépendants les uns des autres, il a voulu les lier ensemble par une charité très-étroite.
5. Cependant, bien loin de donner de vos biens aux autres selon le dessein de Dieu, vous les frappez même et vous les traitez avec rigueur. Si c’est un crime que de ne les pas secourir, quel crime sera-ce que de les outrager ? C’est pourquoi il me semble que Jésus-Christ s’élève ici contre ceux qui traitent injurieusement leurs frères, et qui leur ravissent leur bien ; il leur reproche leur cruauté lorsqu’ils s’emportent contre ceux qu’ils devraient assister, et pour qui ils devraient n’avoir que de la tendresse.
Vous avez vu aussi comment Jésus-Christ censure ceux qui se plongent dans les débauches et dans l’excès des festins. « Il mange », dit-il, « et il boit avec des ivrognes » ; il parle ainsi de l’intempérance qui doit être un jour effroyablement punie. Serviteur ingrat, vous dit-il, vous n’avez pas reçu ces biens pour les consumer dans vos excès, mais pour les distribuer en faisant l’aumône. Le bien que vous avez n’est pas à vous. C’est le bien des pauvres qui vous a été confié, quoique vous l’ayez reçu de la succession de vos pères, ou que vous l’ayez acquis par de très-justes travaux. Dieu pouvait vous ôter cet argent avec justice. Cependant il ne le fait pas pour vous rendre comme le maître de la charité que vous voulez exercer envers les pauvres.
Considérez, mes frères, combien Jésus-Christ témoigne dans toutes ses paraboles que seront punis ceux qui n’auront pas usé légitimement de leurs biens. Car on voit que les vierges folles, dont il parle ensuite, ne ravirent point le bien des autres, mais seulement qu’elles ne donnèrent point du leur à ceux qui en avaient besoin. Celui dont il parle après, qui cacha le talent de son maître, ne déroba le bien de personne. Il fut condamné néanmoins. Tout son mal fut qu’il n’avait pas fait profiter celui de son maître. Ainsi, ceux qui verront le pauvre sans le soulager seront punis de Dieu, non comme des voleurs, mais comme des personnes dures et impitoyables qui auront laissé périr leurs frères sans leur faire part du bien qu’elles avaient.
Écoutez ceci, vous tous qui aimez les festins, et qui consumez dans ces malheureuses dépenses l’argent qui est plus aux pauvres qu’il n’est à vous. Ne croyez pas que ces biens vous appartiennent en propre, quoique Dieu soit si bon qu’il vous exhorte à les donner, comme s’ils étaient effectivement à vous. Il vous les a prêtés pour vous donner un moyen de mieux pratiquer la vertu et de devenir plus justes. Ne regardez donc plus comme étant à vous ces biens que vous possédez. Donnez à Dieu ce qui est à Dieu. Si vous aviez prêté une grande somme à un homme afin qu’il s’en servît pour gagner quelque chose, dirait-on que cet argent serait à lui ? C’est ainsi que Dieu vous a donné votre bien, afin que vous vous en serviez pour gagner le ciel. N’employez donc pas, pour vous perdre, ce que vous avez reçu pour vous sauver ; et ne ruinez pas les desseins de la bonté de Dieu sur vous par un excès de malice et d’ingratitude. Considérez combien il est avantageux à l’homme, après le baptême, de trouver dans l’aumône un autre moyen pour obtenir de Dieu le pardon de ses offenses. Si Dieu ne nous avait donné ce moyen pour effacer nos péchés, combien diraient Oh ! que nous serions heureux si nous pouvions, par nos richesses, nous délivrer des maux à venir ! Que nous donnerions de bon cœur tout notre bien pour nous mettre à couvert de la peine que nos offenses ont si justement méritée !