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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/66

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mais dans tout le monde ? C’est parce que le Prophète ne parle ici qu’aux Juifs, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Il sera le Pasteur de mon peuple d’Israël », quoiqu’il l’ait été de toute la terre. Mais, comme je l’ai déjà dit, il ne voulait point d’abord offenser les Juifs, et il cache à dessein le mystère de la vocation des Gentils. Et comment, me direz-vous, n’a-t-il pas été le pasteur du peuple juif ? Mais il l’a été au contraire, puisque par ce mot d’Israël l’Évangile entend ceux des Juifs qui ont cru en Jésus-Christ. C’est ainsi que saint Paul le prend en disant : « Tous ceux qui sont d’Israël ne sont pas Israélites, mais tous ceux qui sont nés par la foi qu’ils ont eue aux promesses. » (Rom. 9,6) S’il n’a pas été le roi de tous les Israélites, c’est uniquement leur faute et leur crime. Car, au lieu de l’adorer avec les mages, et de rendre gloire à Dieu de ce qu’enfin le temps s’approchait de remettre leurs péchés, puisqu’on ne leur parlait point de la terreur des jugements de Dieu, ni de sa vengeance, mais qu’on ne leur représentait Jésus-Christ que comme un pasteur très-doux, ils ne font au contraire qu’exciter des troubles et des tumultes, et lui dresser mille pièges pour le perdre. « Alors Hérode ayant appelé les mages en secret, s’enquit d’eux avec grand soin du temps que l’étoile leur était apparue (7). » Il voulait tuer cet enfant par un dessein aussi cruel qu’il était extravagant. Car tout ce qui était arrivé et tout ce qu’on lui avait dit au sujet de cet enfant, devait suffire pour le détourner de cette entreprise.
On ne pouvait expliquer humainement ce qui s’était passé. Un avertissement envoyé du ciel aux mages par le moyen d’une étoile, un si long voyage entrepris par des étrangers pour venir adorer un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche, enfin ces événements si longtemps d’avance annoncés par les prophètes, il n’y avait rien dans tout cela qui ne surpassât l’homme. Néanmoins rien n’arrêta Dérode. Telle est la méchanceté, elle se combat elle-même, elle se heurte opiniâtrement à l’impossible.
3. Mais voyez l’absurdité. Si Hérode croyait à la prophétie, et s’il était persuadé que rien n’en pourrait détourner l’effet, il devait aussi comprendre l’inanité de ses efforts pour empêcher ce qui ne pouvait être empêché. Si, au contraire, il n’y ajoutait pas foi et ne comptait pas que les choses prédites dussent arriver, pourquoi appréhender et craindre, pourquoi dresser des embûches ? Ainsi, d’une manière comme de l’autre, sa ruse était superflue. C’était aussi le comble de l’extravagance d’espérer que les mages feraient plus d’état de lui que de l’enfant pour lequel ils avaient fait un si long voyage. Si, avant même que de l’avoir vu, ils avaient témoigné tant d’ardeur pour le chercher, comment espérer qu’après l’avoir vu, et avoir été confirmés dans leur foi par les prophètes, ils le trahiraient et le livreraient à son ennemi ? Malgré tant de raisons qui devaient le retenir, le tyran passe outre. « Il appelle les mages en secret. » Il garde le secret, parce qu’il pensait que les Juifs se mettraient en peine de sauver cet enfant et qu’il ne les croyait pas assez plongés dans la folie, pour vouloir livrer entre les mains d’un tyran celui qui venait être leur Sauveur, leur protecteur et le libérateur de leur pays. C’est pourquoi « il les appelle en secret et il s’informe avec soin du temps », non de l’enfant, mais « de l’étoile ; » le tigre fait un détour pour tomber plus sûrement sur sa proie. Car il me semble qu’il y avait assez longtemps déjà que l’étoile s’était montrée pour la première fois. Comme les mages devaient employer beaucoup de temps à ce voyage et qu’il était utile, pour faire éclater davantage cet événement, qu’ils adorassent l’enfant lorsqu’il était encore au maillot, il fallait nécessairement que l’étoile leur eût apparu longtemps d’avance. Si elle n’eût commencé à paraître en Orient que lorsque Jésus-Christ naissait dans la Judée, la longueur du chemin ne leur eût pas permis d’arriver à temps pour le voir dans ses langes. Ne nous étonnons donc pas qu’Hérode fasse périr les enfants de deux ans et au-dessous. D’ailleurs la fureur et la crainte dont il était agité le portaient, pour plus de sûreté, à ajouter encore au temps indiqué par les mages, afin que nul enfant de cet âge ne pût lui échapper. « Et les envoyant à Bethléem il leur dit : Allez, informez-vous exactement de cet enfant, et lorsque vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j’aille aussi l’adorer (8). » Voyez la déraison ! Si tu parles sincèrement, pourquoi le fais-tu en secret ? Et si c’est dans le dessein de dresser quelque piège, comment ne vois-tu pas que les mages pourront s’en défier après ces informations si secrètes ? Mais