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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/67

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comme j’ai déjà dit, l’excès de la passion porte une âme au comble de la folie.
Il ne leur dit pas : « Allez, informez-vous de ce roi », mais de cet « enfant », parce qu’il ne pouvait même se résoudre à lui donner le nom de roi. Cependant les mages, bons et sincères, ne soupçonnent rien dans ses paroles. Comment en effet supposer qu’un homme se porte à cet excès de malice, et entreprenne de s’opposer à l’œuvre la plus merveilleuse de la bonté divine ? Ils sortent de devant Hérode sans penser à rien de mal, jugeant par leur propre sincérité de celle des autres. « Ils partirent donc après ces paroles du roi, et aussitôt l’étoile qu’ils avaient vue en Orient commença d’aller devant eux, jusqu’à ce qu’étant arrivée sur le lieu où était l’enfant, elle s’y arrêta (9). » Elle ne s’était cachée qu’afin que privés de ce guide, ils fussent forcés d’interroger les Juifs, et de publier ainsi cette naissance devant tout le monde. Dès qu’ils eurent interrogé les Juifs et que ceux-ci les ont instruits, l’étoile reparaît aussitôt. Admirez, je vous prie, la conduite de Dieu en cette rencontre. Aussitôt qu’ils cessent d’être conduits par l’étoile, les Juifs les reçoivent avec leur roi, et leur rapportent les prophéties-qui parlaient de cet enfant. Quand les prophètes les ont instruits, l’ange le fait ensuite, et les informe de tout ; et cette même étoile les conduit encore de Jérusalem à Bethléem. De nouveau elle fait route avec eux pour nous faire encore une fois comprendre qu’elle n’est point une étoile ordinaire. Dans quelle autre en effet a-t-on remarqué rien de pareil ? Elle ne luisait pas simplement comme les autres, mais elle allait devant les mages, et les conduisait en plein midi.
4. Mais quelle nécessité, dites-vous, avaient-ils de cette étoile, puisqu’ils savaient déjà le lieu de la naissance de Jésus-Christ ? Ce n’était plus pour apprendre simplement la ville, mais pour savoir en particulier le lieu où pouvait être cet enfant. Car la maison où il était n’avait rien de grand, et sa mère n’avait rien qui attirât les regards et l’attention. Il fallait donc que l’étoile s’arrêtât sur le toit de la maison. C’est pourquoi ils la revoient en sortant de Jérusalem, et elle ne s’arrête plus qu’elle ne soit arrivée sur l’étable, et qu’elle n’ait ajouté un miracle à un miracle, le miracle de l’adoration des mages au miracle des mages guidés par une étoile, Ce double miracle me paraît si grand qu’il devait, ce me semble, attirer à Jésus-Christ des âmes de pierre. Si les mages eussent dit qu’ils avaient appris cette naissance des prophètes, ou que les anges la leur avaient annoncée, on ne les aurait pas crus, mais l’apparition d’une étoile dans le ciel était un prodige capable de fermer la bouche aux plus impudents. Lorsque l’étoile fut au-dessus du Sauveur, elle s’arrêta encore une fois ; or c’est une puissance qui n’est point ordinaire aux astres, de se cacher et de paraître de nouveau, et de s’arrêter lorsqu’elle paraît. A cette vue sans doute les mages sentirent croître leur foi. Ils se réjouirent d’avoir trouvé enfin celui qu’ils avaient tant cherché, d’avoir été les prédicateurs de la vérité, et de n’avoir pas entrepris inutilement un si long voyage et cette joie naissait de l’amour dont ils brûlaient pour Jésus-Christ. L’étoile s’arrêta sur la tête de l’enfant, pour apprendre qu’il était le Fils de Dieu. Elle porte à l’adorer non de simples étrangers, mais les plus sages d’entre eux. Ainsi vous voyez avec combien de raison l’étoile leur a paru de nouveau, puisqu’ils ont eu besoin d’elle après même le témoignage des prophètes, et les instructions qu’ils avaient reçues des scribes et des princes des prêtres.
Que l’hérétique Marcion, que l’impie Paul de Samosate rougissent, eux qui n’ont pas voulu reconnaître ce qu’ont vu les mages, ces premiers Pères de l’Église. Car je ne rougis point de les appeler de la sorte. Que Marcion soit couvert de honte, en voyant un Dieu adoré en sa chair, et que l’impie Paul soit confondu, en voyant adoré comme Dieu Celui qu’il ne croit qu’un homme. Les langes et la crèche font assez voir qu’il est homme ; mais l’adoration que les mages lui rendent, fait voir qu’il est plus qu’un homme. Ils montrent assez qu’il est Dieu, en lui offrant dans soir enfance même des présents qu’on ne peut offrir qu’à Dieu. Que les Juifs rougissent aussi avec eux, en voyant que des barbares et des mages les devancent, et qu’ils n’ont pas même assez de foi pour les suivre. Mais ce qui se passait alors était une figure de l’avenir, qui marquait que les gentils préviendraient dans la foi le peuple juif.
Pourquoi donc, me direz-vous, Jésus-Christ ne dit-il pas d’abord à ses apôtres : « Allez, enseignez toutes les nations (Mt. 28,19) », et qu’il réserve ce commandement à la fin de sa vie ? C’est parce que ce qui est arrivé aux mages