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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/68

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était, comme j’ai dit, une prédiction de l’avenir. Il était plus juste que ce fût d’abord le peuple juif qui embrassât la foi de Jésus-Christ. Mais ce peuple ayant volontairement renoncé à la grâce qui lui était offerte, Dieu a changé l’ordre des choses. Ce n’était pas sans doute l’ordre le plus naturel que les mages adorassent Jésus-Christ avant les Juifs ; que dés hommes si éloignés prévinssent ceux qui avaient cet enfant au milieu d’eux ; et que des étrangers qui n’avaient rien entendu de ces mystères, eussent l’avantage sur ceux qui avaient été nourris dans la connaissance des prophètes. Mais parce qu’ils n’ont pas connu le trésor qu’ils avaient reçu de Dieu, les Perses le leur ont ravi au milieu même de Jérusalem. C’est ce que saint Paul leur reproche : « C’était à vous », dit-il, « qu’on devait annoncer d’abord la parole de Dieu, mais puisque vous vous en êtes jugés indignes, nous nous tournons vers les gentils. » (Act. 13,46). Quelque incrédulité qu’ils eussent témoignée jusqu’alors, ils devaient au moins, après avoir vu les mages, suivre leur exemple et courir à Jésus-Christ. Mais ils ne l’ont pas voulu ; et les mages les préviennent et se hâtent d’aller au Sauveur, pendant que les autres sont assoupis d’un profond sommeil.
5. Suivons donc nous autres les mages. Quittons le pays barbare de nos mauvaises habitudes, et faisons un long voyage pour voir Jésus-Christ, puisque si les mages n’eussent fait un si long chemin, ils n’auraient jamais eu ce bonheur. Séparons-nous de tous les embarras de la terre. Tant que les mages demeurèrent dans la Perse, ils ne virent qu’une étoile, mais lorsqu’ils l’eurent quittée, ils méritèrent de voir le Soleil même de justice. Et l’un peut dire que cette étoile ne leur eût pas lui longtemps, s’ils ne fussent sortis promptement de leur pays.
Levons-nous aussi nous autres, et quand toute la terre serait en trouble, hâtons-nous d’aller à la maison de cet enfant. Quand les rois, quand les peuples, quand les tyrans voudraient nous en couper le chemin, ne laissons point éteindre notre ardeur par ces obstacles, puisque c’est ainsi que nous les vaincrons. Si les mages n’eussent été constants jusqu’à la fin, et n’eussent vu l’enfant, ils n’auraient point évité les maux dont ils étaient menacés par Hérode. Ils sont environnés de craintes, de périls et de troubles, avant que d’adorer l’enfant, mais aussitôt après ils ont dans la paix et dans le calme. Ce n’est plus une étoile qui les instruit, mais un ange qui leur parle, parce qu’ils étaient devenus prêtres en adorant Jésus-Christ, et en lui offrant leurs dons.
Quittez aussi vous-mêmes le peuple juif ; quittez cette ville troublée, ce tyran altéré de sang, et tout ce vain éclat du siècle, pour courir à Bethléem, à cette maison du pain céleste et spirituel. Quand vous ne seriez qu’un berger, si vous vous hâtez d’aller à cette étable, vous y verrez l’enfant. Mais quand vous seriez roi, si vous n’y venez, votre pourpre ne pourra pas vous sauver. Quand vous seriez étranger et barbare comme les mages, rien ne vous empêchera de voir l’enfant, pourvu que vous veniez pour adorer le Fils de Dieu, et non pour le fouler aux pieds, comme dit saint Paul, et que vous vous présentiez devant lui avec frayeur, et avec joie, deux choses qui peuvent fort bien s’allier ensemble.
Mais gardez-vous de ressembler à Hérode, et, en disant comme lui que vous viendrez l’adorer, de venir en effet pour le tuer. Tous ceux qui approchent indignement des sacrés mystères, se rendent semblables à ce tyran : « Celui qui mange indignement ce pain », dit saint Paul, « est coupable du corps et du sang du Seigneur. » (1Cor. 2,27) Car ils ont en eux-mêmes un tyran qui est encore plus méchant qu’Hérode, et plus ennemi, de la gloire et du royaume de Jésus-Christ : c’est le démon de l’avarice. Ce tyran veut seul régner dans notre âme, et envoie ses sujets pour adorer Jésus-Christ en apparence, et pour le tuer en effet.
Craignons donc aussi nous-mêmes d’être en apparence les adorateurs de Dieu, et d’être en effet dans une disposition toute contraire. Renonçons à tout lorsque nous allons adorer Jésus-Christ. Si nous avons de l’or, offrons-le-lui plutôt que de le cacher en terre. Si les mages lui en présentèrent alors seulement par honneur et comme par hommage, que deviendrez-vous si vous, lui en refusez lorsqu’il est pauvre ? Si ces hommes font un si long voyage pour le venir adorer enfant, quelle excuse vous peut-il rester de refuser de faire trois pas pour l’aller visiter malade, et en prison ? Nos ennemis même nous font compassion lorsqu’ils sont malades ou captifs ; et vous n’en avez point de votre Seigneur qui vous a fait tant de grâces, lorsque vous le voyez en cet état ?
Les mages lui donnèrent de l’or, et vous