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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/69

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avez peine même à lui donner du pain. Lorsqu’ils virent l’étoile, ils furent ravis de joie, et vous voyez Jésus-Christ devant vous sans habits, et sans retraite, et vous n’en êtes point touchés ? Qui de vous, après avoir reçu de si grandes grâces du Sauveur, a fait pour lui un aussi long chemin que ces étrangers et ces barbares, qui étaient en effet plus sages que les sages mêmes ? Mais que dis-je, un aussi long chemin ? La plupart des femmes aujourd’hui sont dans une si grande mollesse, qu’elles ne peuvent faire trois pas pour venir l’adorer sur cette crèche sacrée de l’autel sans se faire traîner par des mules. Les autres qui n’épargnent pas leurs pas, préfèrent néanmoins les affaires du siècle à celles de leur salut, et le théâtre à l’église.
6. Quoi ! les mages font un voyage si pénible avant que d’avoir vu Jésus-Christ, et vous ne voulez pas les imiter après même que vous l’avez vu ? Vous le quittez aussitôt pour courir aux spectacles, car je ne crains pas de vous parler encore sur ce sujet. Vous quittez Jésus-Christ que vous voyez dans cette crèche, pour aller voir des femmes impudiques sur le théâtre. Quels supplices sont assez grands pour punir un si grand excès ? Dites-moi, je vous prie, si quelqu’un vous offrait de vous mener au palais du roi, et de vous le faire voir sur son trône, aimeriez-vous mieux alors aller au théâtre ? D’ailleurs que gagnez-vous à ces spectacles ? Ici au contraire vous trouvez une source de feu, source spirituelle qui jaillit de l’autel. Et néanmoins vous ne craignez point de la quitter pour courir au théâtre, voir des femmes qui nagent, et pour être témoins de cette infamie publique, dont on déshonore la nature ?
Jésus-Christ est ici présent, il est assis proche de cette fontaine céleste, pour parler non à une femme seule, comme autrefois à la Samaritaine, mais à tout-un peuple. Et peut-être qu’il n’y est que pour une personne seule, puisqu’on ne se met point en peine de le venir voir. Quelques-uns viennent, mais de corps seulement, et les autres ne viennent pas même de cette manière. Cependant Jésus-Christ ne se retire point ; il demeure, et ne cesse point de nous demander à boire, non de l’eau, mais notre sanctification dont il est altéré. Car il est ici pour donner aux saints les choses saintes. Il ne nous présente point de cette divine source, une eau corruptible à boire, mais son sang vivant, qui est en même temps le symbole de sa mort, et la cause de notre vie.
Cependant vous quittez cette source de sang divin, et ce breuvage terrible, pour voir dans une même eau une prostituée qui nage, et votre âme qui se noie et périt malheureusement. Car cette eau est une mer d’impudicité, où se perdent tous les jours non les corps, mais les âmes. Ces femmes se jouent dans ces eaux, et vous périssez en les regardant. Ce sont là les pièges du démon. Il submerge dans ces eaux, non seulement ceux qui y descendent, mais encore plus ceux qui sont au-dessus pour voir ce spectacle. Ils périssent là plus cruellement, qu’autrefois Pharaon dans la mer Rouge, « lorsque les chevaux et les cavaliers », comme dit l’Écriture, « furent ensevelis dans les eaux. » (Ex. 15,1) Si les âmes étaient visibles, je vous les ferais voir mortes sur les eaux, comme on y vit alors les corps des Égyptiens.
Mais ce qui est plus déplorable, c’est qu’on fait passer cette peste pour un divertissement, et qu’on appelle cet abîme de perdition, une mer de volupté, On se sauvera plus aisément de four les écueils de la-mer Egée et de la mer Tyrrhénienne, que des périls de ces spectacles. Le démon d’abord inquiète les esprits toute la nuit par l’attente ; puis leur faisant voir ce qu’ils avaient tant désiré, il les enchaîne et les emmène tomme ses captifs. Ne croyez pas que vous soyez sans crime, parce que vous n’avez point approché de ces personnes infâmes. Tout le mal a été consommé dans la disposition de la volonté. Si l’impureté vous possédait déjà, vous avez mis de l’huile dans sa flamme. Que si vous avez-pu voir ces choses sans en recevoir de l’impression, vous en êtes encore plus coupable, parce que vous êtes devenu un sujet de scandale et de chute pour les autres, en les invitant à ces spectacles par votre exemple, et en y souillant en même temps vos yeux et votre âme.
Mais ce n’est pas assez de vous avoir montré vos plaies. Voyons maintenant le moyen de les guérir. Où chercherons-nous des remèdes à ce mal ? Je veux vous renvoyer aujourd’hui à vos femmes, afin qu’elles vous instruisent elles-mêmes, au lieu que selon saint Paul, vous devriez être leurs maîtres. Mais puisque le péché a renversé cet ordre, et que le corps a pris le dessus, et la tête le dessous, usons au moins de cette voie pour rétablir toutes choses. Que si vous rougissez d’être le disciple de votre