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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/72

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voyage, c’est-à-dire, l’étoile d’abord, puis la lumière que Dieu répandit en même temps dans leurs âmes, et qui les conduisit peu à peu, et les éclaira de plus en plus ? Sans cela comment expliquer ces honneurs divins rendus à un enfant entouré d’un si pauvre appareil ? Mais parce qu’il n’y a ici rien de grand pour les sens, parce que les yeux n’aperçoivent qu’une crèche, qu’une étable, qu’une mère pauvre, la grande sagesse des mages, se montrant seule, n’en éclate que mieux, et il faut nécessairement que vous compreniez que ce n’est pas vers un pur homme qu’ils viennent, mais vers Dieu même, et vers le Sauveur du monde. C’est dans cette vive foi que, bien loin de s’offenser de toute cette bassesse extérieure, ils se prosternent devant l’enfant, et lui offrent des présents qui n’avaient rien de charnel comme les offrandes des Juifs. Car ils ne lui immolent point des brebis ni des veaux, mais des dons mystérieux très rapprochés de la grâce et de l’excellence de l’Église, et qui sont les symboles de la science, de l’obéissance et de la charité. « Et ayant reçu en songe un avertissement du ciel de n’aller point retrouver Hérode, ils s’en retournèrent à leur pays par un autre chemin (12). » Admirez encore ici la foi des mages. Car comment ne sont-ils point scandalisés, ni surpris de cet avis ? comment sont-ils demeurés fermes dans l’obéissance, sans se troubler et sans raisonner ainsi en eux-mêmes ?
Si cet enfant était quelque chose de grand, et s’il avait quelque puissance, pourquoi serions-nous obligés de nous enfuir, et de nous retirer si secrètement ? pourquoi, après que nous avons paru librement et hardiment devant tout un peuple, sans craindre le bruit et l’étonnement de la ville ni la fureur du tyran, un ange vient-il maintenant nous chasser d’ici, comme des esclaves et des fugitifs ? Mais ils n’ont ni ces pensées dans l’âme, ni ces paroles dans la bouche. Car c’est en cela proprement que consiste la foi, de ne point chercher les raisons de ce qu’on nous dit, mais d’obéir simplement à ce qu’on nous ordonne.
2. « Or après que les mages s’en furent allés, l’ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et lui dit : Levez-vous, prenez l’enfant et sa mère et fuyez en Égypte, et demeurez-y jusqu’à ce que je vous dise d’en partir (13). » On peut ici être en suspens, en considérant et les mages et l’enfant. Car bien qu’ils n’aient point été troublés, et qu’ils aient reçu avec foi ce qu’on leur a dit, ne peut-on pas néanmoins demander pourquoi Dieu ne les sauve pas hautement de la fureur d’Hérode, eux et l’enfant, sans que les uns soient obligés de fuir en Perse, et l’autre en Égypte avec sa mère ? Mais que vouliez-vous que Dieu fît en cette rencontre ? Voudriez-vous que Jésus-Christ tombât entre les mains d’Hérode, et que néanmoins il ne reçût de lui aucun mal, après y être tombé ? S’il eût agi de la sorte, on n’aurait pas cru qu’il eût pris véritablement notre chair, et on aurait douté de la vérité de son incarnation. Car si en dépit de ce qu’il a fait, et de toutes les preuves qu’il a données de son humanité quelques-uns néanmoins ont osé dire que son incarnation n’était qu’une fable, dans quel excès d’impiété ne fussent-ils point tombés, s’il eût toujours agi en Dieu, et dans toute l’étendue de sa puissance ? L’ange donc renvoie ainsi ces mages, tant pour les rendre comme les prédicateurs de Jésus-Christ en leur pays, que pour faire voir en même temps à Hérode, que son dessein cruel ne lui réussirait pas ; qu’il entreprenait, une chose impossible ; que sa fureur était vaine, et que tous ses travaux seraient sans effet. Car il est digne de la grandeur et de la puissance de Dieu, non seulement de vaincre hautement et sans peine ses ennemis, mais encore de les tromper et de les surprendre. C’est ainsi qu’il voulut autrefois tromper les Égyptiens par les Juifs, et que pouvant faire passer visiblement toutes leurs richesses entre les mains des Israélites, il aima mieux le faire secrètement et par une adresse, qui ne jeta pas moins de terreur dans l’esprit de ses ennemis, que les prodiges qu’il avait fait auparavant ?
2. En effet, les Ascalonites et les autres peuples voisins, lorsqu’ils eurent pris l’arche, qu’ils eurent été frappés d’une grande plaie, conseillaient à ceux de leur nation de ne pas lutter contre Dieu, de ne pas lui résister, et entre autres merveilles, ils leur rappelaient comment Dieu s’était joué des Égyptiens :« Pourquoi », disaient-ils, « appesantissez-vous vos cœurs, comme autrefois l’Égypte et Pharaon ? Lorsque Dieu se fut joué d’eux, ne laissèrent-ils pas aller son peuple ? » (1Sa. 6,6) Ils, parlaient ainsi persuadés que cette conduite adroite n’était pas inférieure à tant de prodiges éclatants, ni moins propre à démontrer la puissance et la grandeur de Dieu.