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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/73

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Ce qui arriva à Hérode à l’occasion des mages n’était-il pas de nature aussi à le frapper fortement ? Se voir ainsi trompé et joué par les mages, n’était-ce pas à crever de dépit ? que s’il n’en devint pas meilleur, ce n’est pas la faute de Dieu qui lui avait ménagé cette leçon : il faut l’attribuer à l’excès de folie du tyran qui, loin de céder à ces avertissements, et de revenir de sa méchanceté, s’emporta plus avant dans le crime et ne fut pas arrêté par la crainte d’encourir un châtiment, plus sévère par un excès d’endurcissement et de démence.
Mais pourquoi Dieu choisit-il l’Égypte, pour y envoyer cet enfant ? L’Évangile en marque la principale raison, qui était d’accomplir cette parole : « J’ai appelé mon fils de l’Égypte. » (Os. 2,1) C’était aussi pour annoncer dès lors à toute la terre les grandes espérances qu’elle devait concevoir pour l’avenir. Car, comme l’Égypte et Babylone avaient plus que tout le reste du monde, brûlé dés flammes de l’impiété, Dieu voulait marquer d’abord qu’il convertirait l’une et l’autre, et qu’il les purifierait de leurs vices ; et donner par là l’espérance d’un semblable changement à toute la terre. C’est pourquoi il envoie les mages à Babylone, et va lui-même dans l’Égypte avec sa mère.
Outre ces raisons, nous avons encore ici une autre instruction très utile, pour nous établir dans une solide vertu ; c’est de nous préparer dès les premiers jours de notre vie aux tentations et aux maux. Car considérez que ce fut dès le berceau que Jésus-Christ se vit obligé de fuir. A peine est-il né que la fureur d’un tyran s’allume contre lui. Elle l’oblige de se sauver dans un pays étranger, et sa mère si pure et si innocente est contrainte de s’enfuir, et d’aller vivre avec des barbares.
Cette conduite de Dieu vous apprend que lorsque vous avez l’honneur d’être employé dans quelque affaire spirituelle, et que vous vous voyez ensuite accablé de maux et environné de dangers, vous ne devez pas en être troublé ni dire en vous-même : D’où vient-que je suis ainsi traité, moi qui m’attendais à la couronne, aux éloges, à la gloire, aux brillantes récompenses après avoir si bien accompli la volonté de Dieu ? Mais que cet exemple vous anime à souffrir généreusement et vous fasse connaître que la suite ordinaire des vocations spirituelles fidèlement remplies, c’est la souffrance, et que les afflictions sont les compagnes inséparables de la vertu.
Remarquez aujourd’hui cette vérité, non seulement dans la mère de Jésus, mais encore dans les mages. Car ils se retirent en secret comme des fugitifs, et la Vierge qui n’était jamais sortie du secret d’une maison, est contrainte de faire un chemin très pénible, à cause de cet enfantement tout spirituel et tout divin. Admirez une merveille si étrange. La Judée persécute Jésus-Christ, et l’Égypte le reçoit et le sauve de ceux qui le persécutent. Ceci fait bien voir que Dieu n’a pas seulement tracé dans les enfants des patriarches les figures de l’avenir, mais encore dans Jésus-Christ même, car il est certain que beaucoup de choses qu’il a faites alors étaient des figures de ce qui devait arriver après ; je citerais par exemple l’ânesse et l’ânon qu’il monta pour faire son entrée à Jérusalem. L’ange donc apparut non à Marie, mais à Joseph, et lui dit : « Levez-vous, et prenez l’enfant et sa mère. » Il ne dit plus comme auparavant : « Prenez Marie votre femme ; » mais « prenez la mère de l’enfant », parce qu’il ne restait plus à Joseph aucun doute après l’enfantement, et qu’il croyait fermement la vérité au mystère. L’ange lui parle donc avec plus de liberté, et n’appelle plus Marie « sa femme, » mais « la mère de l’enfant. Et fuyez en Égypte », dit-il. Et il lui en dit en même temps la raison : « Car Hérode cherchera l’enfant pour le perdre(13) »
3. Joseph écoutant ces paroles n’en est point scandalisé. II ne dit point à l’ange : voici une chose bien étrange. Vous me disiez il n’y a pas longtemps que cet enfant sauverait son peuple, et il ne se peut sauver aujourd’hui lui-même. Il faut que nous nous retirions dans une terre étrangère. Ce que vous me commandez de faire est contraire à votre promesse. Joseph ne dit rien de semblable, parce que c’était un homme fidèle. II ne témoigne point de curiosité pour savoir le temps de son retour, quoique l’ange ne le lui eût point marqué en particulier, lui disant en général : « Demeurez là jusqu’à ce que je vous dise d’en sortir. » Cependant il n’en témoigne pas moins d’ardeur à croire et à obéir, et il souffre avec joie toutes ces épreuves. La bonté de Dieu mêle en cette rencontre la joie avec la tristesse et tempère l’une par l’autre. C’est ainsi qu’il a coutume d’agir envers tous les saints. Il ne les laisse pas toujours