Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ni dans les périls ni dans la sécurité, mais il fait de la suite de leur vie comme un tissu et une chaîne admirable de biens et de maux. C’est ce qu’il pratique envers Joseph, et je vous prie de le remarquer.
Il voit la grossesse de Marie, et il entre aussitôt dans le trouble et dans la peine, soupçonnant sa jeune femme d’adultère ; mais l’ange survient en même temps qui le guérit de ses soupçons et le délivre de ses craintes. L’enfant naît ensuite. Il en conçoit une extrême joie ; mais elle est aussitôt suivie d’une douleur étrange, lorsqu’il voit toute la ville troublée et un roi furieux résolu de perdre l’enfant. Peu de temps après, cette tristesse est encore tempérée par la joie que lui causent l’étoile et l’adoration des mages ; mais elle est aussitôt changée en une nouvelle frayeur lorsqu’on lui dit : « qu’Hérode cherche l’enfant pour le perdre », et que l’ange l’oblige à fuir pour le sauver.
Car Jésus-Christ devait agir alors d’une manière humaine. Le temps d’agir en Dieu n’était pas encore venu, S’il avait commencé de faire des miracles de si bonne heure, on n’aurait pas cru qu’il fût homme. C’est pourquoi il ne vient pas au monde tout d’un coup ; mais il est conçu d’abord, il demeure neuf mois entiers dans le sein de Marie, il naît, il est nourri de lait, il se cache durant tant de temps et attend que par la succession des années il soit devenu homme, afin que cette conduite persuade à tout le monde la vérité de son incarnation. Mais pourquoi donc, direz-vous, parut-il d’abord quelques miracles ? C’était à cause de sa mère, de Joseph, de Siméon qui était près de mourir, des pasteurs, des mages et des Juifs mêmes, puisque s’ils eussent voulu examiner avec soin tout ce qui se passait, ils en eussent retiré un grand avantage. Que si vous ne voyez rien dans les prophètes touchant les mages, ne vous en étonnez pas. Les prophètes ne devaient ni tout prédire, ni ne rien prédire absolument. Si tant de prodiges s’étaient opérés tout à coup sans être annoncés, ils eussent trop frappé les hommes, trop bouleversé leurs idées. D’un autre côté, s’ils avaient connu d’avance tout le détail des mystères, ils en eussent accueilli l’événement avec trop d’indifférence, et les Évangélistes n’auraient plus rien eu de nouveau à dire. « Joseph s’étant levé prit l’enfant et sa mère durant la nuit et se retira en Égypte (14), où il demeura jusqu’à la mort d’Hérode, afin que cette parole que le Seigneur avait dite par le Prophète fût accomplie : J’ai appelé mon fils de l’Égypte (14). » Si les Juifs doutent de cette prophétie et prétendent que cette parole : « J’ai appelé mon fils de l’Égypte » (Os. 11,1), doit s’entendre d’eux-mêmes, nous leur répondrons que la coutume des prophètes est de dire des choses qui ne s’accomplissent pas en ceux-là même dont ils les disent. Ainsi, lorsque l’Écriture dit de Siméon et de Lévi : « Je les diviserai dans Jacob et je les disperserai dans Israël (Gen. 49,7) ; » cette prophétie ne s’est pas accomplie dans ces deux patriarches, mais seulement dans leurs descendants. Ce que Noé dit de Chanaan ne s’est pas non plus accompli dans lui, mais dans les Gabaonites qui en sont sortis. La même chose se remarque encore dans le patriarche Jacob. Car cette bénédiction que son père lui donna : « Soyez le seigneur de vos frères, et que les enfants de votre père vous adorent (Gen. 27,29) », ne s’est point certainement accomplie en lui, puisqu’au contraire Jacob eut tant de crainte et de frayeur de son frère Esaü, et que nous voyons dans l’Écriture qu’il se prosterna plusieurs fois en terre pour l’adorer, mais cela s’est vérifié dans ses enfants.
On peut dire ici la même chose. Car, qui des deux est plus véritablement Fils de Dieu, de celui qui adore un veau d’or, qui se consacre au culte de Beelphégor et qui immole ses enfants au démon, ou de celui qui est le Fils de Dieu par sa nature, et qui rend un souverain honneur à son Père ? C’est pourquoi si Jésus-Christ n’était venu, cette prophétie n’aurait point été assez dignement accomplie. Et remarquez que l’Évangéliste insinue ceci lorsqu’il dit « Afin que la parole du prophète fût accomplie », montrant assez par là qu’elle ne l’eût point été si le Fils de Dieu ne fût venu.
4. C’est aussi ce qui relève extraordinairement la gloire de la Vierge, puisqu’elle possède seule par un titre tout particulier, un avantage dont le peuple juif se vantait si hautement en publiant que Dieu l’avait retiré de l’Égypte. Le Prophète marque ceci obscurément lorsqu’il dit : « N’ai-je pas fait venir les étrangers de Cappadoce, et les Assyriens de la fosse ? » (Amo. 9,7, selon les Sept) C’est donc là, comme je viens de dire, l’avantage et le privilège particulier de la Vierge. On peut dire même que ce peuple, autrefois, et le patriarche