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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/76

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pourquoi ils joignent à l’amour extrême de la vérité, l’éclat d’une vie très réglée et très parfaite. Après s’être dépouillés de tout, et s’être crucifiés au monde, ils portent encore leur zèle plus loin ; et ils travaillent de leurs propres mains, pour gagner de quoi soulager les pauvres. Ils ne prétendent point que, parce qu’ils jeûnent ou qu’ils veillent, ils doivent être oisifs durant le jour ; mais ils emploient la nuit à chanter des hymnes et à veiller, et le jour à prier et à travailler des mains, imitant en cela le zèle du grand Apôtre. Car si lorsque toute la terre le regardait comme le prédicateur de la vérité, il a voulu néanmoins s’occuper comme un artisan, et travailler de ses mains, jusqu’à passer les nuits sans dormir pour gagner de quoi soulager les pauvres : combien plus, disent ces saints hommes, nous qui jouissons de la solitude, et qui n’avons rien de commun avec le tumulte des villes, devons-nous consacrer ce repos à quelque travail utile et spirituel ?
Rougissons donc ici nous autres, et pauvres et riches, de ce que pendant que ces saints solitaires, qui n’ont rien que leurs corps et que leurs bras, se font violence pour trouver dans leur travail de quoi faire subsister les pauvres : nous au contraire qui avons tant de bien dans nos maisons, n’employons pas seulement notre superflu pour le soulagement des misérables. Comment excuserons-nous une si grande dureté ? Comment pourrons-nous en obtenir le pardon ?
Souvenez-vous combien ces Égyptiens autrefois étaient avares ; combien ils étaient esclaves de l’intempérance de la bouche, et des autres vices. Il y avait là, comme dit l’Écriture, « des marmites pleines de viande (Ex. 16,3) », que les juifs même regrettaient dans le désert. L’intempérance donc dominait dans l’Égypte. Et cependant lorsqu’ils l’ont voulu, ils se sont convertis et se sont changés, et étant embrasés du feu de Jésus-Christ, ils se sont aussitôt élevés au ciel. Après avoir été et plus colères et plus voluptueux que les autres peuples, ils imitent maintenant les anges par leur tempérance, et par toutes leurs autres vertus.
Tous ceux qui ont été en ce pays, savent que ce que je dis est vrai. Mais si quelqu’un n’a pas eu le bonheur de voir ces saints monastères, qu’il considère le grand et le bienheureux Antoine, qui est encore maintenant l’admiration de toute la terre, et que l’Égypte a produit presque égal aux apôtres. Qu’il se souvienne que ce saint homme est né du même pays que Pharaon, sans que pour cela il en ait été moins saint. Il a même été digne que Dieu se soit montré à lui d’une manière toute particulière, et toute sa vie n’a été qu’une pratique très-exacte de ce que Jésus-Christ ordonne dans l’Évangile.
Ceux qui liront sa Vie reconnaîtront la vérité de ce que je dis, et ils y verront en beaucoup d’endroits qu’il a eu le don de prophétie. Car il a découvert et prédit les maux que l’hérésie arienne produirait dans l’Église, Dieu les lui révélant dès lors, et lui mettant tout l’avenir devant les yeux. Il est constant qu’outre toutes les autres preuves de la vérité de l’Église, celle-ci en est une bien claire, qu’on ne voit point parmi tous les hérétiques un seul homme qui soit semblable à celui-ci. Et afin que vous ne m’en croyiez pas seul, lisez le livre de sa Vie, où vous verrez toutes ses actions en détail, et où vous trouverez beaucoup de choses qui vous, porteront au comble de la vertu.
Méditons cette vie si sainte, et ayons soin en même temps de l’imiter, sans nous excuser jamais, ou sur le lieu où nous vivons ; ou sur notre mauvaise éducation ; ou sur le dérèglement de nos pères. Car si nous veillons exactement sur nous-mêmes, nulle de ces choses ne nous pourra nuire. Abraham avait un père impie et idolâtre, et il ne fut pas néanmoins l’héritier de son [impiété. Ezéchias était fils du détestable roi Achas, et cela ne l’empêcha pas de devenir l’ami de Dieu. Joseph au milieu même de l’Égypte, s’acquit la couronne d’une inviolable chasteté. Et ces trois jeunes hommes au milieu de Babylone, et au milieu de la cour, ne laissèrent pas parmi ces viandes délicieuses dont leur table était servie, de conserver un amour ferme et inébranlable pour la plus haute vertu. Ainsi Moïse vécut dans l’Égypte, et Paul dans tous les endroits de la terre, sans que leur vertu ait été moins parfaite pour avoir vécu parmi des méchants.
Représentons-nous ces exemples, mes frères, cessons d’alléguer ces vaines excuses ; retranchons tous ces faux prétextes ; embrassons généreusement tous les travaux nécessaires, pour nous établir dans une vie sainte. C’est ainsi que nous obligerons Dieu à nous aimer de plus en plus, que nous le porterons à nous soutenir