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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/78

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pouvons-nous dire de probable sur ce sujet ? C’est que ce n’est point l’enfant Jésus qui cause la mort de ces enfants, mais la seule cruauté d’Hérode ; comme ce ne fut point saint Pierre qui fit mourir les soldats, mais la brutalité du prince. S’il eût trouvé les portes de la prison brisées, ou les murailles percées, Hérode aurait eu peut-être un juste sujet de condamner la négligence des gardes. Mais puisque tout était dans le même état, les portes toujours fermées, tas soldats encore munis des chaînes dont on les avait liés avec l’Apôtre, il devait conclure, s’il eût pu juger sainement des choses, que ce n’était point là l’ouvrage de la force et de l’artifice des hommes, mais l’effet d’une puissance tout extraordinaire et toute divine. Il devait adorer l’auteur d’un si grand miracle au lieu d’exercer sa cruauté sur les soldats. Dieu, dans l’opération de ce miracle, avait fait ce qu’il fallait, non seulement pour ne pas exposer les gardes à la mort, mais encore pour amener le prince à la connaissance de la vérité. Si le tyran persista dans son impiété, pourquoi attribuer au sage médecin des âmes, à celui qui est bienfaisant en toutes ses œuvres, un mal qui n’est arrivé que par le dérèglement du malade ?
Nous pouvons dire la même chose ici. Pourquoi, ô Hérode, vous mettez-vous en colère, lorsque vous vous croyez trompé par les mages ? Ne savez-vous pas que cet enfantement est divin ? N’avez-vous pas assemblé les prêtres et les scribes’? N’ont-ils pas fait voir que le prophète avait jugé par avance de cette affaire, et que longtemps auparavant il avait prophétisé cette naissance ? N’avez-vous pas vu cet admirable rapport du présent avec le passé ? N’avez-vous pas su qu’une étoile avait conduit les mages ? N’avez-vous pas rougi du zèle de ces étrangers ? N’avez-vous pas admiré leur liberté de langage ? N’avez-vous pas tremblé à l’oracle du prophète ? N’avez-vous pas dû comprendre aisément quelle devait être la suite de tant de merveilles ? Ne jugiez-vous pas de l’avenir par le passé ? Pourquoi donc toutes ces choses ne vous faisaient-elles pas conclure en vous-même, que ce n’était point là l’ouvrage de la tromperie des mages, mais de la puissance de Dieu, qui conduisait tout avec une admirable sagesse ? Mais quand même les mages se seraient joués de vous, pourquoi vous en prendre à ces enfants, qui ne vous ont fait aucun mal ?
2. Fort bien, direz-vous, vous montrez parfaitement qu’Hérode était un homme de sang, et que sa cruauté est inexcusable ; mais vous n’avez pas résolu l’objection concernant l’injustice du fait. C’était Hérode qui commettait l’injustice, soit, mais pourquoi Dieu la laissait-il commettre ?
Que répondrai-je ici, sinon ce que j’ai coutume de vous représenter souvent, et dans l’église et partout ailleurs, et que je vous prie de bien retenir ? Car c’est une règle qui doit vous servir pour d’autres semblables difficultés. Voici donc ce que je vous réponds. Il se trouve beaucoup de personnes qui veulent faire du mal aux autres. Mais je soutiens qu’il n’y a point d’homme qui puisse faire un mal véritable à un autre homme. Et pour ne pas vous tenir en suspens, je dis en un mot, que, qui que ce soit d’entre les hommes qui nous offense, Dieu tourne le mal qu’il nous fait à notre avantage, et s’en sert ou pour nous pardonner ou pour augmenter notre récompense. Afin d’éclaircir ce que je dis, je vous en, donne un exemple. Supposons qu’un serviteur soit redevable d’une somme considérable à son maître, que des hommes injustes le maltraitent, qu’on lui ravisse une partie de ce qu’il a ; supposons encore que le maître puisse empêcher le vol, commander la restitution, et qu’au lieu d’agir de la sorte, il prenne sur ses comptes pour dédommager son serviteur, pourrait-on dire que : celui-ci a été lésé ? pas le moins du monde. Mais si le maître remet au serviteur plus qu’on ne lui a pris, celui-ci n’aura-t-il pas gagné au lieu de perdre. Évidemment si.
Ayons ces pensées dans les maux dont on nous afflige injustement. Soyons certains que les afflictions ou nous obtiendront la rémission de tous nos péchés, ou que si nos péchés ne sont pas en si grand nombre qu’elles, elles nous mériteront une plus riche couronne. Vous en avez la preuve dans ce que dit saint Paul de celui qui était tombé dans la fornication : « Livrez », dit-il, « cet homme à Satan pour faire mourir sa chair, afin que son âme soit sauvée. » (1Cor. 5,5) Vous me direz qu’il s’agit ici des maux que nos ennemis nous font souffrir, et non pas des corrections que nos pasteurs nous imposent avec justice. Mais si vous voulez considérer avec soin les uns et les autres, vous n’y trouverez aucune différence. Notre difficulté était de savoir si le mal qu’on souffre est véritablement un mal pour