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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/79

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celui qui Je souffre. Mais je puis vous apporter un exemple qui se rapproche davantage de la question qui nous occupe. Souvenez-vous de David insulté dans son malheur par ce Séméi qui faisait pleuvoir sur lui les plus violentes injures ; ses soldats voulaient tuer cet insulteur, mais il les retint, et leur dit : « Laissez-le faire, laissez-le maudire. Peut-être que le Seigneur regardera mon affliction, et qu’il me fera quelque grâce pour ces malédictions que j’endure. » (2Sa. 16,40) C’est ce qu’il dit aussi dans ses psaumes : « Voyez combien mes ennemis se sont multipliés, et combien est injuste la haine qu’ils me portent et remettez-moi tous mes péchés. » (Ps. 24,48, 49) Le Lazare de même entra dans le repos ; parce qu’il avait souffert en cette vie une infinité de maux. Ceux donc à qui on veut faire du mal, n’en reçoivent point en effet, s’ils le souffrent avec patience ; au contraire ce mal se change pour eux en un grand bien, soit que Dieu les châtie par l’affliction, ou que le démon les persécute.
Mais quels crimes, me direz-vous, ces enfants avaient-ils fait pour qu’ils dussent les expier par une mort si sanglante ? Ce que vous dites peut être vrai pour les personnes avancées en âge, et qui ont commis beaucoup de péchés ; mais pour ces innocents qui meurent dans le berceau, quel péché avaient-ils pu faire, qui dût être lavé de leur sang ? – Souvenez-vous que je vous ai dit, que si l’injustice qu’on nous fait, ne trouvait point de péchés à punir en nous, elle nous mériterait une grande récompense. Quel mal est-il donc arrivé à ces enfants, lorsque, mourant pour un tel sujet, ils ont passé par une mort si prompte, comme par une courte tempête, au port éternel d’une heureuse paix ?
Ils eussent pu, dites-vous, devenir de grands saints, s’ils eussent longtemps vécu. Mais croyez-vous que leur récompense ait été médiocre, pour avoir été tués à la place de Jésus-Christ ? Et nous pouvons dire encore que si Dieu eût prévu que ces enfants eussent dû s’élever un jour à un grand mérite, il n’eût pas permis qu’ils eussent été tués dans le berceau. Car s’il tolère avec une patience si infatigable, ceux même qu’il sait devoir toujours demeurer dans le crime, il aurait bien plutôt empêché la mort de ceux-ci, s’il avait prévu qu’ils dussent un jour parvenir à un haut degré de vertu.
3. Voilà ce que nous pouvons dire sur ce sujet, mais il y a d’autres raisons bien plus secrètes de cette conduite, qui ne sont connues que de Celui qui a réglé ces événements, avec une providence incompréhensible. Remettant donc à Dieu la connaissance exacte et entière de ce secret, passons à la suite et apprenons de l’affliction des autres à souffrir avec courage tous les maux qui pourront nous arriver. Quelle tragique calamité en effet frappa alors Bethléem, où l’on voyait de tous côtés les enfants arrachés du sein de leur mère pour être cruellement immolés à la fureur d’un tyran !
Que, si vous êtes encore faible, si souffrir avec patience et sans se plaindre vous semble une sagesse au-dessus de vos forces, jetez les yeux sur la mort d’Hérode et respirez un peu à cette vue. La justice de Dieu fut prompte à le frapper, elle lui infligea une punition proportionnée à son crime, en lui faisant souffrir une mort cruelle, plus déplorable que tout ce qu’il fait endurer à ces innocents ; elle l’accabla de mille maux, que savent ceux qui ont lu son histoire dans Josèphe. Je ne la rapporte point ici pour n’être pas trop long et pour ne pas interrompre la suite de notre Évangile. « Ce fût alors qu’on vit l’accomplissement de ce qui avait été prédit par le prophète Jérémie. – Un grand bruit a été entendu en Rama, on y a entendu des plaintes, des pleurs et des cris lamentables ; Rachel pleurant ses enfants et ne voulant point recevoir de consolation parce qu’ils ne sont plus. » Comme l’Évangéliste avait rempli l’esprit du lecteur d’horreur et d’épouvante, en lui représentant un carnage si inhumain, si injuste, si cruel et si barbare, il le console ensuite en disant qu’il n’était point arrivé, ou par l’impuissance, ou par l’ignorance, de Dieu ; puisqu’au contraire il l’avait prévu longtemps auparavant et l’avait prédit par son prophète. Relevez donc votre courage, ne craignez plus lorsque vous jetez les yeux sur cette providence de Dieu, qui se montre également et dans ce qu’elle fait elle-même et dans ce qu’elle laisse faire aux hommes. C’est ce que Jésus-Christ disait autrefois à ses apôtres. Après leur avoir prédit qu’ils seraient traînés devant les tribunaux et menés au supplice ; que toute la terre s’élèverait contre eux et leur ferait une guerre irréconciliable, il ajoute aussitôt pour les consoler :