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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/80

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« N’est-il pas vrai qu’on a deux passereaux pour une obole ? Et néanmoins il n’en tombe pas un seul sur la terre, sans la volonté de votre Père céleste. » (Mt. 10,29) Il leur parlait de la sorte, pour leur apprendre que rien ne lui est caché ; et qu’il voit tout, quoiqu’il ne fasse pas tout. Ne craignez point, leur dit-il, ne vous troublez point. Celui qui voit ce que vous souffrez et qui le pourrait empêcher s’il le voulait, montre assez que s’il permet que vous souffriez quelque chose, c’est parce qu’il a soin de vous et qu’il vous aime. Ce sont les sentiments que nous devons avoir dans toutes nos afflictions, et nous y trouverons toute la consolation que nous pouvons souhaiter.
Mais quelqu’un dira peut-être : Qu’a de commun Rachel avec Bethléem ? Rachel, » dit l’Évangile, « pleure ses enfants. » Qu’a aussi de commun Raina avec Rachel ? Rachel, mes frères, était la mère de Benjamin, et elle fut enterrée après sa mort dans un champ près de Bethléem. Comme donc son sépulcre était fort proche, que ce champ était échu à la tribu de Benjamin et que Rama était aussi de cette même tribu, l’Évangile appelle ces petits innocents les enfants de Rachel, à cause du chef de cette tribu et du lieu de sa sépulture. Et pour marquer que cette plaie était cruelle et incurable, il ajoute : « Elle n’a point voulu se consoler parce qu’ils ne sont plus. »
Nous apprenons encore ici ce que j’ai déjà dit, que nous ne devons jamais nous troubler, lorsqu’il nous arrive des choses contraires aux promesses que Dieu nous a faites. Car aussitôt que Celui qui venait pour sauver son peuple, ou plutôt toute la terre, est né, considérez par quelles épreuves il commence un si grand œuvre. Sa mère s’enfuit, son pays tombe dans la dernière affliction, on fait un carnage d’enfants le plus lamentable qu’on eût jamais vu, et on n’entend de toutes parts que les pleurs, les soupirs et les cris des mères désespérées. Cependant ne vous troublez point. Dieu d’ordinaire accomplit ses desseins par des voies qui leur semblent tout opposées, pour nous faire admirer davantage sa toute-puissance. C’est ainsi qu’il a formé ses disciples, les préparant à de grandes actions par des moyens qui semblent tout contraires à ce dessein, afin que ce miracle parût plus grand. Car en souffrant les fouets, les exils et mille autres maux, ils sont devenus les maîtres de ceux même qui les ont traités de cette sorte.
4. « Depuis, Hérode étant mort, un ange du « Seigneur apparut aussitôt en songe à Joseph qui était en Égypte (19). Et lui dit : Levez-vous et prenez l’enfant et sa mère et allez dans la terre d’Israël (20). » « Et Joseph s’étant levé, prit l’enfant et sa mère, et s’en vint en la terre d’Israël (21). » L’ange ne dit plus ici : « Fuyez », mais, « allez. »Vous voyez encore que le calme succède à l’orage et que l’orage revient après le calme. Car en quittant cette terre étrangère, il retourne dans son pays, où il apprend la mort funeste de ce meurtrier de tant d’enfants. Mais dès qu’il y est arrivé, il trouve encore un reste de ses précédents périls, le fils du tyran était vivant et régnait en Judée. « Mais ayant appris qu’Archélaüs régnait en Judée à la place d’Hérode son père, il appréhenda d’y aller, et ayant été averti en songe de la part de Dieu, il se retira au pays de Galilée (22). » Mais comment Archélaüs régnait-il dans la Judée, puisqu’il est dit dans l’Évangile que Ponce-Pilate en était gouverneur ? Il n’y avait pas longtemps qu’Hérode était mort et son royaume n’était pas encore divisé en plusieurs parties. Donc pour un temps Archélaüs régnait au lieu d’Hérode, qui est appelé son père, pour le distinguer d’un autre Hérode, fils de ce premier et frère d’Archélaüs.
Mais, dira quelqu’un, si Joseph craignait d’aller en Judée à cause d’Archélaüs, il devait craindre aussi la Galilée à cause d’Hérode son frère, et fils du tyran. Je réponds que Joseph se mettait suffisamment à couvert de ce qu’il pouvait craindre, en ne demeurant point dans la Judée ; parce que toute la fureur d’Hérode était tombée sur Bethléem, et sur le pays d’alentour. Archélaüs croyait qu’après ces sanglantes précautions il n’y avait plus rien à craindre ; et que cet enfant qu’on cherchait seul, avait été tué avec les autres. D’ailleurs après avoir vu son père finir sa vie comme il l’avait finie, il devait craindre de continuer ses excès, et de lutter avec lui de cruauté. « Et il vint demeurer en une ville appelée Nazareth, afin que ce qui avait été dit par le prophète fût accompli : Il sera appelé Nazaréen ; » Joseph vient à Nazareth, pour éviter le péril, et pour revoir son pays qui lui était cher ; et pour le faire avec plus de sûreté, il en reçoit l’ordre d’un ange. Saint Luc ne dit point que Joseph soit allé là par le commandement de l’ange : mais seulement que la purification