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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 7, 1865.djvu/82

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Jésus-Christ. Mais lorsqu’il parle des plus grands hommes de l’Ancien Testament, voyez ce qu’il en dit : « Ceux », dit-il, « qui parlent de la sorte font bien voir qu’ils cherchent leur patrie. Que s’ils avaient dans l’esprit celle d’où ils étaient sortis, ils auraient eu assez de temps pour y retourner ; mais ils en désirent une meilleure, qui est la patrie céleste. » (Héb. 2,14-15) Et un peu auparavant : « Tous ceux-ci sont morts dans la foi « n’ayant point reçu les biens que Dieu leur avait promis ; mais les voyant et comme les « saluant de loin. » (Id. 13)
Saint Jean dit aussi à ceux qui venaient à son baptême : « Ne dites point : Nous avons Abraham pour père. » (Lc. 3,2) Et saint Paul : « Tous ceux qui sont d’Israël ne sont pas Israélites, et les enfants de la chair ne sont pas les enfants de Dieu. » (Rom. 9,6) Quel avantage ont tiré les fils de Samuel d’avoir été les enfants d’un tel père, sans être les héritiers de sa vertu ? De quoi a-t-il servi aux enfants de Moïse de l’avoir eu pour père, puisqu’ils ont dégénéré de son zèle ? C’est pourquoi ils ne furent point les successeurs de son autorité après sa mort, parce qu’ils s’étaient contentés d’être ses enfants de nom ; et le gouvernement du peuple passa aux mains d’un autre qui était son fils, non par sa naissance, mais par sa vertu. Timothée était fils d’un païen, en quoi son origine lui a-t-elle nui ? Quel gain le fils de Noé a-l-il retiré de la vertu de son père, puisque de libre qu’il était, il n’a pas laissé de devenir esclave ? Illustre exemple qui prouve que la noblesse du père ne suffit pas toujours à préserver le fils de toute déchéance ; le dérèglement de la volonté prévalut alors sur la loi de la nature, et non seulement priva ce fils coupable des avantages de sa naissance, mais lui fit perdre jusqu’à la liberté.
Esaü n’était-il pas aussi fils d’Isaac, et chéri très particulièrement de son père ? Isaac ne voulait-il pas lui donner sa bénédiction comme à son aîné ; ce qui portait aussi Esaü à lui complaire en toutes choses ? Cependant parce qu’il était méchant, ces avantages ne lui servirent de rien. Quoique la nature lui eût donné le droit d’aînesse, et que son père voulût le lui conserver, il perdit tout, parce qu’il n’avait pas Dieu pour lui. Mais, pour ne point parler davantage de quelques particuliers, les Juifs ont été les enfants de Dieu, et cependant ce titre si glorieux leur a été inutile. Si donc ceux mêmes qui deviennent enfants de Dieu, à moins que de répondre à la dignité d’une si haute naissance, en sont encore punis davantage : comment pouvez-vous vous vanter de la noblesse de vos pères et de vos ancêtres ?
Ce que je dis n’est pas moins vrai dans le Nouveau que dans l’Ancien Testament : « Tous ceux qui l’ont reçu », dit saint Jean : « ont eu de Dieu la puissance de devenir les enfants de Dieu. » (Jn. 1,12) Cependant saint Paul déclare que cette divine adoption sera inutile à plusieurs d’entre eux, lorsqu’il dit : « Si vous vous faites circoncire, Jésus-Christ ne vous servira de rien. » (Gal. 5,2) Que s’il ne sert de rien d’être à Jésus-Christ à ceux qui ne veillent pas à la garde de leurs âmes, de quoi leur pourra-t-il servir d’être nés d’un homme ? Ne soyons donc orgueilleux ni de notre naissance, ni de nos richesses, et méprisons ceux qui ont cet orgueil.
Ne soyons pas honteux d’être pauvres, travaillons à devenir riches en bonnes œuvres. Fuyons cette pauvreté, qui est la compagne des vices, et qui réduisit à une si extrême indigence le riche de l’Évangile. Car il ne put pas seulement obtenir une goutte d’eau, quoiqu’il la demandât avec tant d’instance. Quel est l’homme parmi nous qui soit aussi pauvre que ce riche l’était alors ? Ceux-mêmes qui meurent de faim ont au moins de l’eau, et non seulement par gouttes, mais en abondance, sans parler des autres soulagements. Mais ce mauvais riche est pauvre, jusqu’à n’avoir pas même cette goutte qu’il demande ; et ce qui est encore plus horrible, jusqu’à n’avoir pas le moindre soulagement dans ses maux.
Pourquoi avons-nous tant d’avidité pour les richesses, puisqu’elles ne peuvent nous faire acquérir le ciel ? Si un roi de La terre déclarait que nul d’entre les riches ne serait en honneur dans sa cour, et n’y aurait aucune charge, tout le monde ne renoncerait-il pas aux richesses ? Quoi ! le danger d’être mal à la cour d’un prince, nous rendrait les richesses méprisables ; et quand le roi du ciel nous crie tous les jours : « Qu’il est difficile qu’un riche entre dans les cieux », nous hésitons, et nous ne renonçons pas à tout, pour pouvoir entrer avec confiance dans ce royaume éternel ?
6. Après cela serons-nous excusables d’amasser ainsi avec tant d’ardeur ce qui ne peut servir qu’à nous fermer la porte du ciel ? Mais